lundi 1 avril 2019

Retour sur mes pas à mon Collège Ahuntsic: Suite à une étape d'une démarche pour répondre à une question cruciale !

Et la question est........, le Collège Ahuntsic doit-il changer le nom de ses équipes sportives, "Les Indiens" ? Mais avant d'aller plus loin, je m'en voudrais de ne pas commencer par un aveu. J'ai enseigné pendant plus de trente ans dans ce collège dont j'ai déjà dit et que je dis encore que j'avais les initiales tatouées sur mon cœur. Mon collège, dont j'ai suivi et encouragé les élèves de ces équipes sportives, dont certains étaient dans mes classes. Toutes ces années, jamais, je m'en confesse, je ne me suis questionné sur l'origine et la pertinence de ce nom et de son logo.

                                                Logo actuel des équipes sportives du Collège Ahuntsic

Mais voilà, nous en sommes rendus à une époque, celle qui, enfin, nous ouvre les yeux, la conscience, et aussi le cœur. Tout en phase avec l'époque actuelle, mon collège dans le cadre de sa Semaine des Sciences Humaines, nous proposait un Panel de discussion sur le nom et le logo des équipes sportives. Panel conjointement organisé par Julie Gauthier, prof d'anthropologie et l'organisme Mikana dont la "mission (est) d'œuvrer au changement social en sensibilisant divers publics sur les réalités autochtones au Canada."

Le sujet est évidemment délicat et il aurait été facile de tout simplement procéder rapidement en effaçant le nom et le logo pour les remplacer et de "passer à un autre appel" ! Mais non !, pourquoi pas, prendre le temps pour y réfléchir et en discuter avec le plus grand nombre, mais surtout avec les principaux intéressé.e.s, les autochtones, eux-même dans le cadre d'un panel. En voici donc un compte-rendu partiel et tout personnel.

Avant de débuter le panel lui-même, nous avons d'abord droit aux mots de la Directrice Générale du Collège, Nathalie Vallée, qui nous situe la perspective de l'institution en amont et en aval. Nous sommes, ensuite, "pris en main" par, André-Yanne Parent, animatrice fort alerte et dynamique qui confirme le contact avec nous dans les estrades, avec des "ho" auxquels nous devrons répondre par des "hey" (ou l'inverse, ma mémoire me fait défaut !). Et ça marche !!!! La communication est établie !

Pour apporter d'abord, un éclairage historique, ce panel débute avec un retour historique fort éclairé et éclairant d'Alexandre Lapointe, détenteur d'une maîtrise en anthropologie de l’Université de Montréal et qui travaille au Musée d’histoire et d’archéologie Pointe-à-Callière. Il nous propose en une trentaine de minutes fort dynamiques et bien amenées, comment et pourquoi des autochtones ont migré de la rive sud de Montréal jusqu'à dans la région d'Oka, en passant par le pôle Guy-Sherbrooke, tout au sud-ouest de l'Île de Montréal et du Parc de la Visitation, tout au nord. Appuyé par une recherche fort sérieuse, rigoureuse avec des documents d'époque, il nous explique les tactiques de la Compagnie de St-Sulpice qui a forcé ces déplacements. Aussi, il nous expose les conséquences des ententes orales et non écrites entre les autorités françaises et les chefs des Premières Nations qui ont amené le déplacement "volontaire" de cette communauté autochtone et, des siècles plus tard, ont produit la crise d'Oka. 

Je retiens un exemple fort éloquent de ces "manigances". Les gens des Premières Nations étaient de fort bons cultivateurs qui savaient défricher la terre. Mais ils devaient se déplacer d'un lot à l'autre, tout autour, pour laisser la terre "reprendre son souffle". S'ils se retrouvent coincés sur un lopin, entourés par d'autres occupés par des colons, ils devront quitter pour pouvoir poursuivre ailleurs, où il y a plus d'espace. Et ces terres, "leurs terres" toutes bien défrichées qu'ils laissent derrière, seront économiquement utiles pour la congrégation religieuse. Aussi nous apprenons que tout au nord de l'île, "à un jet de pierre du Collège", il est possible de retrouver les "traces" du passage et de la présence de ces agriculteurs autochtones, pas du tout chasseurs. 

Il termine sa présentation avec un "recentrage" des origines historiques du nom "Ahuntsic". Sur la Rivière des Prairies, il est possible d'y naviguer et c'est que faisait il y a plus de trois cent ans, le père Nicolas Viel et son jeune serviteur. Mais une rivière peut avoir des rapides et ils peuvent être menaçants, sinon dangereux. Et si vous ne savez pas nager, ces rapides peuvent devenir un ennemi mortel. Voilà le destin de ces deux personnages historiques. Même si soixante ans plus tard, un historien venant de loin, transforme l'histoire pour les faire mourir assassinés par des "méchants hurons", comme il est ou était possible de le lire sur la plaque de la statue de Nicolas Viel et de son jeune assistant de "Ahuntsic". Et quelle est la plus probable signification du nom "Ahuntsic" ? C'est sur la réponse à cette question, surprenante, qu'il complétera sa présentation. Et le nom "Ahuntsic" qui est le résultat de quelques modifications orthographiques et qui voudrait dire en langue huronne, "perchaude" !!!

Une fois la surprise passée et les rires qui s'en suivent, nous applaudissons fort chaleureusement (et c'est bien mérité), Alexandre Lapointe pour ce concentré historique fort riche et "richement" bien amené !

Et une fois la table mise, l'animatrice nous présente les membres de ce panel, Isabelle Picard, ethno-muséologue Wendat qui tente par ses différentes actions professionnelles et personnelles de mieux faire connaître les réalités et enjeux des Premiers peuples du Québec Aussi, Andre Dudemaine, Innu d’origine et membre de la communauté de Mashteuiatsh, qui est, entre autre, cofondateur et directeur de Terres en vues, une société pour la diffusion de la culture autochtone. Et enfin, Meky Ottawa qui est une Atikamekw de Manawan.  Elle est une "toute jeune" artiste autodidacte multidisciplinaire basée à Tio'tia:ke (Montréal). Nous avons droit à la perspective de trois panélistes de trois générations différentes et d'horizons professionnels différents. 

Difficile de résumer en quelques phrases la teneur de leurs propos en réponse aux questions qui leur ont été posées, mais leurs positions parfois communes, parfois différentes nous permettent d'y voir plus clair. J'ai pu entendre leurs propos conciliants et non pas les "sentir sur un pied de guerre" pour demander réparation pour une injustice du passé. De réaliser aussi, que la symbolique guerrière de plusieurs noms et symboles d'équipe, ne sied pas du tout aux peuples des Premières Nations, parce qu'ils étaient des agriculteurs qui préféraient régler pacifiquement tout ensemble leurs différents, en y mettant le temps, quittent à régler cela, ultimement avec un match de crosse. De me permettre aussi de réaliser que l'appropriation culturelle est une notion fort flexible, comme peut l'être une ligne fort  tracée dans le sable.

Ainsi donc, au final, comme l'indiquait, fort sagement, une des panélistes, "poser la question est y répondre". Je ne suis pas devin, mais cette réflexion bien entreprise est, pour moi, un gage de succès pour trouver un nouveau nom et un nouveau logo pour les équipes de mon collège, fidèle et respectueux de l'histoire du Collège. Et moi, je me tiendrai au courant des prochaines étapes. 

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