jeudi 28 juin 2018

Sur mes pas de lecteur-spectateur en danse: "ob.scène", d'Enora Rivière

Avant de me rendre à ce "récit fictif d'une vie de danseur", mes pas ont été nombreux avec quelques détours. Mais au final, ma patience a été récompensée et de ces 126 pages intelligemment construites par Énora Rivière. J'ai la conviction d'avoir eu accès à une perspective intérieure et intime de ces interprètes que je croise et que je vois tout au long de l'année. De mettre quelques réponses sur deux questions fondamentales que je me pose à propos d'elles et d'eux, soit, pourquoi danser et comment danser ?



Pour plonger dans "ob.scène" titre fort bien amené aux sens polymorphes, j'ai d'abord dû croiser l'auteure Enora Rivière, lors d'une rencontre "avec les artistes". Rencontre durant laquelle, nous avions, tous les deux, échangé nos rôles avec le créateur, Jérémie Niels. Lui, devenant spectateur, qui nous posait des questions à nous, métamorphosés créatrice ou créateur pour la fin de cette rencontre "particulière". De ce moment, fort agréable quoique un peu stressant, j'ai aussi appris que ma "partenaire de jeu" était aussi écrivaine et j'en avais pris bien note. Curieux, je découvre qu'elle porte sa plume sur le monde de la danse. Voilà pourquoi, je tente de me procurer son livre, mais son livre au Québec, pas facile à se procurer ! Courriel avec l'auteure qui m'indique qu'il y en aura des exemplaires disponibles pour le Offta 2018 et qu'en plus, elle présentera "moteur" à ce même festival. Après quelques pas infructueux et un détour, j'ai enfin réussi à mettre la main sur son livre que je décide de garder bien précieusement pour les jours "sans dance" à venir.

Ces jours sont arrivés et moi, je m'y suis mis à sa lecture, deux fois plutôt qu'une. De cette incursion, dont la postface résume bien, selon moi, les présentations "en deux tons", soit en noir sur les histoires, les motivations et les intentions de ces artistes et en gris sur les moments de prestation. En alternance, je passe donc d'états de corps et des états d'être. Pour mieux comprendre l'intention d'écriture, bien rendue, je laisse la place à l'écrivaine avec un extrait de sa postface:

                                   "Échanger. Enregistrer, Transcrire. Écrire.
                                    Rendre collective une expérience singulière.
                                    Singulariser sans individualiser.
                                    Dépasser la question d'identité.
                                    Se détacher des noms, des prénoms, des dates.
                                    S'en tenir à l'expérience, au "tu" et au "je."

Ce qui en présente, selon moi, sa force avec cette dernière phrase qui indique bien que l'on s'adresse à moi. Moi, spectateur, fort curieux de mieux connaître ces femmes et ces hommes, si différents de moi, mais dont je me sens parfois si proche dans l'univers chorégraphique. 

Durant cet expédition dans leur intimité "fictive !", j'ai pu mieux comprendre les motivations, les angoisses et les interrogations de ces femmes et de ces hommes qui décident de faire leurs pas dans un monde dont les règles ne sont pas toujours bien définies ("Ce qui se jouait dans ce silence, fruit d'un contrat tacite dont tu ne connaissais pas les règles mais qui organisait le travail ..."). Un univers artistique, néanmoins, qui permet de dépasser les normes convenues. Le tout avec une écriture qui me garde alerte par ces quelques dérives qui me demande de ne "pas perdre le pas"!

Intéressé aussi à ces moments juste avant d'entrer sur scène, "Je sens cette décharge électrique qui est un mélange d'excitation et de peur, alors je pense à cette traversée, à cette diagonale. " ou "Je regarde dans la direction de mon déplacement." Deux phrases en apparence d'intensité différente, mais aussi forte dans leur contexte.

Ce récit, je l'ai lu en deux temps. D'abord de la première à la dernière page, presque tout d'un coup, alternant les états d'esprit et les états de corps. Ensuite, seulement les "tracés" en gris qui me présentaient ce que je pourrais découvrir (oui, oui, j'en suis convaincu !) si je pouvais entrer dans leurs pensées avant et durant leurs prestations. Je me plaisais d'imaginer leurs gestes sur scène, souvent décrits de façon fort explicite, comme dans l'extrait suivant, "Je diastole, je systole. J'ai chaud, très chaud, je sens la sueur dégouliner le long de ma colonne vertébrale." Souvent en lisant, je m'y sens "sur la scène", moi le spectateur. Et cette perspective me plait bien.

L'auteure de par sa plume qui, parfois, dérive en cours de paragraphe, me fait ressentir l'importance de rester "focus" durant la lecture. Pourquoi on danse, comment on danse et qu'est ce que l'univers de la danse peut être, par la femme ou l'homme qui l'incarne, voici des questions avec des réponses que j'ai découvert tout au long de ma lecture et de ma relecture. Une incursion dans l'intimité fort intéressante et agréable, "ob.scène", mais pas du tout obscène ! qui se doit d'être faite par tout amateur de danse. Et si vous le voulez, il est possible de s'en procurer un exemplaire auprès de l'auteure, ce qui est pas mal plus simple et moins cher que les autres façons.

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