mercredi 28 février 2018

Sur mes pas de spectateur: Rejoins là, tout au fond de moi, dans mes replis obscurs par "Sang Bleu" !

Je débute ce texte, fort utile pour la suite, par la description de l'oeuvre tirée du feuillet de la soirée que j'ai pu lire avant d'entrer en salle. "Sang bleu est une exploration sur le corps et son rapport qui le compose. Qu'elle soit mort, maladie ou infection, Andréane Leclerc et Dany Desjardins proposent une vision de la dégénérescence, non comme une finitude et un anéantissement du corps, mais comme un processus de transfiguration physique et une constante évolution de la chair". Proposition qui s'annonce audacieuse dans des territoires artistiques peu explorés, pour ma part, à tout le moins. Pour cette exploration fort particulière, il y a lui, artiste en danse contemporaine danseur et elle contorsionniste que j'ai déjà pu découvrir, indépendamment dans des oeuvres précédentes.

Pour lui, c'était d'abord, il y a près de sept ans, au Théâtre La Chapelle, lorsque j'ai découvert l'univers fort esthétique et troublant de "POW WOW" que Dany Desjardins nous avait proposé. Le teaser, à lui seul, vaut le détour et en voici le lien (https://vimeo.com/30033308). Depuis, plusieurs fois sur scène ou grand écran, je l'ai revu et toujours, je l'ai senti investi.

Il y a un peu moins longtemps toujours au Théâtre La Chapelle, en 2015, Andréane Leclerc m'avait présenté (et à bien d'autres spectateurs) l'oeuvre sulfureuse, mais surtout envoûtante, "La Putain de Babylone". Si lui mettait tout en lumière, elle utilisait surtout l'ombre.

Un jour, ils se sont rencontrés (dans des circonstances que la discussion d'après représentation nous a permis de connaître) et ils ont décidé de créer ensemble, malgré leur différence de provenance artistique. "Sang bleu" est donc le résultat de plusieurs mois de travail, d'apprivoisement, de discussions orales, mais surtout de travaux physiques pour faire converger leur deux univers de création.

                                          Photo: Patrick Simard

Pour en découvrir le résultat, nous prenons place dans la salle du  La Chapelle dont la scène est vide sauf deux tiges garnies de projecteurs. Les sièges des spectateurs trouvent tous preneur ou preneuse, sauf deux au milieu de la première rangée (à côté de moi et qui sont réservés) et une fois, les derniers préparatifs effectués, le moment de la rencontre arrive. C'est d'abord au fond de la scène derrière un écran que les deux personnages apparaissent. Les gestes sont solennels et préparent au passage de l'autre côté, ce qui arrivera rapidement. Dans un environnement musical fort bien réussi qui débute par une oeuvre classique jouée au clavecin, les deux personnages rampent vers nous, tel des chenilles ou autres bestioles à la recherche d'un corps pour se nourrir. Ils viendront jusqu'à nous, sur les deux sièges, restant immobiles comme dans une période de latence dans un cocon invisible. Par la suite, dans une série de tableaux, "ces bibites humaines" se déploient dans l'espace, interagissent, décomposent leurs corps pour soutenir le propos qui se ressent plus dans mes tripes (ou mes viscères) que dans ma tête. Les corps se déforment ou se font déformer ou se transforment tout en provoquant en moi une prise de conscience qui m'angoisse, celle de la mort, ma mort! Lorsque mon enveloppe charnelle sera laissé par mon esprit qu'est ce que je deviendrai. Si pour les deux créateurs, le moment révèle des aspects festifs, pour moi, il résonne tout autrement. Leurs propos chorégraphiques touchent des ressorts qui me touche particulièrement fort. Si pour eux l'oeuvre, par la question que j'ai eu la chance de leur poser, ne tente pas de vaincre leur propre angoisse face à la fin inévitable de leur vie corporelle, cela en a été le cas tout l'inverse pour moi. Une excursion par procuration donc, qui par ses allures sombres, troubles, mais surtout métaphoriques, m'amène à me retrouver face à mes angoisses face à la mort que je n'entrevoie pas comme une célébration comme ce que j'ai vu en fin de présentation.

Une oeuvre particulière, sinon spéciale, à l'image de ce duo, qui pourra autant fasciner que surprendre, mais pour peu que le propos chorégraphique trouble, il ne déroute pas le spectateur ouvert. Le message se ressentira fort bien, autant pour le meilleur que pour le pire. Pour moi, "Sang bleu" fort de ses images troubles et de ses corps déformés, rehaussés par la trame musicale d'Olivier Girouard a fait surgir des angoisses que je tente de garder tout au fond de moi, où se retrouve aussi les micro-organismes que j'héberge inconsciemment.

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