vendredi 2 février 2018

Sur mes pas en danse: "Forces connexes" et propos chorégraphiques conhérents dans leur essence

Le prof de chimie que j'ai été, est toujours très sensible aux oeuvres chorégraphiques qui se colorent d'une teinte scientifique. Et pour cette soirée "Forces connexes", le spectateur que je suis était donc fort curieux. Le programme de la soirée annonçait pour [Decoherence], de Jessie Garon (Vazari Dance Projets), une illustration d'enchevêtrement quantique portant sur l'interconnectivité des atomes, dans un premier temps. Ensuite, "By the skin of your teeth" du Collectif [Le]Cap et Parts+Labour_Danse s'inspirait, de son côté, des trous noirs, lieux spatiaux des conditions limites. 

                               Photo par Frédéric Chais de [Decoherence] tiré du site du Devoir

Ce sont donc des pas fort curieux qui m'ont amené jusqu'au Wilder pour cette soirée de première et fort importante était la foule. C'est bien installé, première rangée, que je prends place et que j'attends le début de la présentation. Après les mots de bienvenue du "grand" patron de Tangente, fort heureux de cette belle "crowd", les lumières s'éteignent et nous laissent dans une attente qui sera vite satisfaite. Se présentent à nous deux interprètes (Jarrett Siddall et Guillaume Biron), habillés tout en noir et chaussés avec des bottes toute aussi noires. De cette connectivité atomique annoncée, rapidement, ces deux atomes personnifiés semblent créer une molécule diatomique dont l'énergie cinétique la fait se déplacer dans tout l'espace de présentation. Par une interaction invisible, mais très tangible, ils se déplacent laissant des traces sonores par leurs bottes sur le plancher. Leurs tracés semblent aléatoires, mais comme les ondes, ils semblent échapperà nos sens, mais pas nécessairement à notre intuition. La dualité exprimée du propos intéresse et les déplacements captivent. J'en ressens la répercussion sur fond sonore de percussion. Au final, une oeuvre assez courte, moins de trente minutes, fort intéressante qui mériterait une version allongée. 

Pause.

À mon retour en salle et à mon siège, je découvre les deux interprètes (Marine Rixhon et Anne-Flore de Rochambeau) qui, de dos, s'expriment de façon synchronisée avec leurs bras. Habillées, elles aussi tout en noir, sauf une touche de rouge pour l'une d'elle, il serait facile, et pourquoi s'en priver, de voir un lien avec la première partie de la soirée. Si la première partie portait sur le lien qui s'établit, "By the skin of your teeth" (ou par la peau des dents en français) illustre le contact à la limite de se rompre. Nous sommes peu à peu amenés jusqu'au moment du déséquilibre ou du moment extrême avant le lâcher prise définitif et de la brisure de cette "Force connexe", conclusion inéluctable d'une cassure chimique. Les gestes pour s'y rendre sont habilement présentés, les propos ("il faut mourrir un peu pour toucher le paradis") et les éclairages qui l'enrichissent le font fort efficacement. Certains experts disent que celui qui s'approcherait d'un trou noir, amènerait à sa désintégration (ou sa perte), comme Icare dans le "Mythe de Dédale et Icare.

Au final, une belle soirée dans cette toujours belle salle Orange du Wilder et qui était sous le signe de la dualité. Deux oeuvres qui sont portées par deux interprètes, deux hommes d'abord et deux femmes, ensuite. Deux oeuvres qui portent sur la dualité de la relation humaine dans une perspective atomique et moléculaire, attraction et répulsion ou liaison ou rupture. Deux oeuvres exprimées sur fond d'ombre et de lumière dont la dualité onde-particule colore le propos chorégraphique. Deux oeuvres qui alternent l'équilibre et le déséquilibre de la matière en évolution. Quoi rajouter sur cette soirée qui a satisfait autant le spectateur de danse que l'ancien de prof de chimie que je suis ? Rien, sauf que vous devriez vous y rendre aussi.

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