vendredi 11 mars 2016

Sur mes pas en danse: "Cake" glacé épais

Lors d'une de mes excursions passées dans la Zone Homa, j'avais découvert "Cake" d'Audrey Rochette et cette oeuvre m'avait fait bonne impression. Depuis ce temps, la chorégraphe a enrichi son propos et a travaillé fort, je peux en témoigner, pour nous en présenter une version "plus riche" au Théâtre La Chapelle.

C'est devant une salle enthousiaste que le "cuisinier" (Patrick R. Lacharité) s'est amené pour nous proposer une recette "riche". Confiant, il sera presqu'inébranlable tout au long de l'utilisation des ingrédients, personnifiés par les six interprètes qui viendront prendre place sur scène. Élise Bergeron, Marie-Ève Demers, Noémie Dufour-Campeau, Joannie Douville, Marie-France Jacques et Alexia Martel laissent leur individualité au vestiaire pour former un tout truculent. Cette critique "beurre" épais, mais ne lève pas le coeur, tout en soulignant à gros gestes le culte du "dieu" du moment.

Étant de ceux qui croit que le propos doit être fort pour être compris, "Cake" est pour moi, une illustration toute aussi efficace que réussie de certains de nos travers. Qui n'a pas cherché et trouvé, à un moment de sa vie, le gourou ou le cuisinier pour lui fournir la recette du bonheur ou du succès ? Et qui ne s'y est pas abandonné corps et âme ? "Sauvez mon âme", chantait Luc De LaRochellière avec les paroles: "On se vide la tête question de faire la fête / On se lève les bras ou on se les met en croix."

Mais l'éphémère est la règle et la chorégraphe nous le rappelle. 

Une oeuvre déjantée au propos fort qui est à la hauteur des travers qu'elle dénonce avec des interprètes qui s'y investissent totalement pour notre plaisir.


Photo: Charles F. Marquis



Sur mes pas en danse: Touché par "Les choses dernières"

Avant que la représentation commence, de Lucie Grégoire, je ne me souvenais que de son nom, mais pas vraiment de ces oeuvres que j'avais déjà vu d'elle. Une fois que les lumières se soient éteintes dans la salle et allumées sur la scène, les premiers mouvements montrés ont déclenché en moi des souvenirs émotifs forts. Je ressentais de nouveau les moments vécus de "Ciel et Cendres", et pourtant, c'était il y a presque deux ans. Le contact a été instantané et les pas montrés ont fait remonter la trace profonde de cette rencontre précédente, laissée en moi.

Tout au long des moments qui ont suivi, je dirais que j'ai vécu la représentation de "Les choses dernières", plus que j'y ai assisté. Une oeuvre en trois temps, de cette femme "avant" qui peu à peu s'éloigne rapidement de moi pour devenir cette femme "maintenant" occupant frénétiquement ce territoire, semblant passer du désespoir à l'espoir. Nous pouvons apprécier tout le talent de la chorégraphe pour l'utilisation des oppositions. Le tout se terminant par sa transformation après la représentation en cette femme "d'après", qui  m'habite (et habitera nombreux spectateurs, j'en suis convaincu) encore plusieurs heures après la fin de la représentation. Dans le feuillet de ce spectacle, on peut lire "Une femme émerge de la nuit comme d'un territoire caché, obscur./Son corps demeure, fugitif à la limite de la transparence." C'est effectivement, ce que j'ai ressenti, soit un corps, une femme, qui a occupé une place dans mon esprit.

Pour produire cet effet sur moi, une grande interprète Isabelle Poirier, totalement investie dans son personnage et les mouvements de la chorégraphe Lucie Grégoire. Pour en amplifier la perception, une scène nue avec très peu d'artifices techniques, sinon des éclairages, (nommé peinture scénique dans le feuillet), de Hélène Lussier, recréé par Angela Rassenti et une musique en parfaite symbiose avec le propos de Robert M. Lepage.

 De ces allers retours frénétiques, en entrée de jeu, jusqu'à la finale, nous sommes des captifs captivés des états de corps exprimés. Pourra-t-elle s'échapper de l'oubli, de notre oubli ?

Une oeuvre qui marque et qui rappelle aussi que dans notre passé chorégraphique, de très belles oeuvres doivent être re-créées ou à tout le moins représentées. Après "Bagne", plus tôt cette saison, "Les choses dernières" en est un autre très bel exemple et pour cela, un gros merci aussi à l'équipe de l'Agora de la danse.

                                         Photo: Angelo Barsetti


mardi 8 mars 2016

Sur mes pas en danse l'an prochain: La saison 2016-2017 de Danse- Danse

Peut-être que, comme moi, vous vivez encore des moments durant lesquels vous vous sentez comme un petit enfant qui attend impatiemment le moment de développer ses cadeaux pour en découvrir le contenu. Pour ma part, un de ces moments est lors de l'attente du dévoilement de la prochaine saison de Danse Danse et ce moment est venu, ce soir.

J'étais bien installé, fébrile, dans la Cinquième Salle de la Place des Arts, lorsqu'à dix-sept heures et quelques minutes, les lumières se sont éteintes et que Caroline Ohrt et Pierre Des Marais se sont présentés devant nous. D'abord, ils nous annoncent que c'est onze soirées qui nous seront offertes dont trois programmes triples, oeuvres qui proviennent de partout dans le monde.

Le suspense ne durera pas longtemps (merci à eux) et, dans l'ordre chronologique de leur présentation, nous découvrirons, en mots et en image, une large gamme de style. Le tout commence avec du flamenco moderne, de Maria Pagés (d'Espagne), en passant par la Nederlands Dans Theater (des Pays-Bas) jusqu'à "Rain" d'Anne Teresa De Keersmacker (de Belgique) en fin de saison. D'autres oeuvres incontournables de la Batsheva Dance Company et d'Akram Khan présentée à la TOHU.

Impossible aussi, de rester insensible à l'invitation à revoir Tentacle Tribe qui avait séduit tous les spectateurs lors de leur dernier passage ou à découvrir "Suie" d'Anne Lebeau et Dave St-Pierre. Cette dernière proposition me fait particulièrement plaisir, parce que, chaque fois qu'elle est sur scène, Anne Lebeau me fascine. J'avais, il y a plus de cinq ans, écrit un texte sur elle sur le site "Le danseur ne pèse pas lourd" de Catherine Viau, la patience de l'homme est récompensée et dans une oeuvre de Dave St-Pierre, rien de moins. Voici le lien, pour les intéressés:

https://ledanseurnepesepaslourd.com/2011/02/25/parole-de-spectateur-3/

Bon OK, les cadeaux sont maintenant connus, il ne reste plus qu'attendre "un peu" pour les apprécier pleinement.

Vous voulez en découvrir tous les détails, voici le lien à cliquer et conseil d'ami, faites le !

http://dansedanse.net/fr

dimanche 6 mars 2016

Sur mes pas au cinéma; "Avril et le monde truqué"

Difficile est la semaine de relâche pour l'amateur de cinéma de répertoire. L'Ex-Centris fermé et le cinéma Beaubien réquisitionné de jour pour le FIFEM (Festival international de films pour enfants de Montréal), cela restreint "pas mal" la marge de manoeuvre pour une sortie cinéma. Il a été néanmoins possible de trouver une proposition intéressante et "Avril et le monde truqué" l'a été. J'en ai donc profité, en compagnie d'une salle comble de jeunes et moins jeunes.

Ce film d'animation de Franck Ekinci et Christian Desmares nous entraîne au début du siècle précédent (dans les années 1940) et nous détournent de la vraie histoire. Comble de bonheur (pour moi), c'est avec la chimie que les principaux personnages tentent de faire l'histoire. Avril, fille de deux chimistes disparus, et son chat affrontent "vent et marée" dans une suite de péripéties que le grand écran magnifie.

Combien sommes-nous à imaginer que le cours de l'histoire aurait pû être différent si ..... ?  Et si vous répondez oui comme moi, voici une belle occasion d'en découvrir un exemple.

                                                        Photo: Site de Cinoche

samedi 5 mars 2016

Sur mes pas au cinéma : "10 secondes de liberté"

Comme l'a si bien dit Yvon Deschamps, "on veut pas le savoir, on veut le voir". Et c'est ce que le réalisateur Stephen Hopkins nous permet de faire, lorsqu'il nous présente les exploits olympiques de Jesse Owens et de ses deux années de préparation en vue de sa participation aux Olympiques. Ces Jeux Olympiques seront présentés en Allemagne à une époque de grande tension mondiale durant laquelle le régime nazi fourbit ses armes et veut étaler devant le monde entier sa grandeur et la supériorité de la race blanche. Il y a d'un côté l'intérêt et les principes des "grands décideurs" et de l'autre, le rêve olympique des athlètes. Dans une Amérique ségrégationniste, un athlète surdoué noir et un entraîneur blanc à la dérive se rencontrent, s'apprivoisent et foncent droit devant, vers le succès.

L'histoire est bien portée par les différents interprètes, dont celles de Stephan James (Jesse Owens) et de Jason Sudeikis (l'entraîneur). Elle nous fait bien ressentir le climat de l'époque et les différentes tensions entre les différents protagonistes. Le traitement de l'histoire est assez classique, mais ça n'enlève rien à la qualité de l'oeuvre. D'autres l'ont noté, mais je me permets de le rappeler ici, c'est près de 80 ans plus tard que l'on rend hommage à cet athlète américain et ce film n'est pas une production américaine.

À celui qui a fait un pied de nez au régime nazi devant la face du monde, les dirigeants américains l'ont honoré plus de quarante ans plus tard. Pas question pour le président américain de l'époque, Franklin D. Roosevelt en période pré-électorale, de prendre de chance et de le rencontrer pour le féliciter.

En résumé, un bon film très intéressant sur un grand homme et un moment important du siècle dernier qui vaut le déplacement.

                                                         Photo: site de Cinoche

mercredi 2 mars 2016

Sur mes pas en danse hors sentier avec Lara Kramer; Sightings 15: The name of dancers.....; autre expédition

Avant d'y aller d'une autre expédition à ce Sightings 15, je me suis permis une petite recherche à propos de celle qui "occupera" ce grand hall,  il y a ce bloc dans lequel nous pouvons toujours lire;  The Names of Dancers (this is swallowed by neoliberalism or else fades into obscurity) ou [Les noms des danseurs (ceci est avalé par le néolibéralisme ou alors se fond dans l’obscurité)].




Donc sur son site, j'ai appris que Lara Kramer, graduée de l'Université de Concordia, est "chorégraphe et interprète Oji-Cri (Ojibwée et Cri) dont les œuvres sont intimement liées à l’histoire et à ses racines Autochtones." Voilà une information importante qui m'a mieux permis de comprendre sa performance dans ce grand hall. 

J'arrive, il est presque 15h00 et à leur tour, arrivent discrètement l'interprète accompagnée d'une responsable de l'évènement et d'une photographe. 3 ou peut-être 4 personnes l'attendent dans le hall. Tout aussi discrètement, elle enlève ses bottes et prend position juste là, à l'abri du cube. Par la suite, sans jamais se déplacer, "les pieds ancrés", elle nous proposera une performance toute aussi intérieure que déterminée, "les yeux droits devant", comme le montre si bien la photo plus bas. En effet, elle semble complètement imperméable à l'environnement humain et physique et son corps semble bouger au gré des esprits ou des démons qui l'habitent et qui l'entourent. Il y a bien cette paire d'écouteurs, mais pour nous, rien à en tirer. Dans l'indifférence presque totale des personnes qui passent, elle illustre, volontairement ou non, le sort de nos concitoyennes autochtones. Jamais vu une illustration aussi éloquente du sort de ces femmes et cela me restera longtemps en tête. 

De cette expédition, j'en reviens tout aussi troublé que par "Unrelated" de Daina Ashbee présentée l'automne dernier au Théâtre LaChapelle qui portait sur la lutte des femmes autochtones. Avec une approche différente, Lara Kramer sensibilise tout autant. Si comme moi (vite à mon agenda !), vous voulez faire une rencontre qui marque, sachez qu'elle se produira très prochainement ( 10 au 19 mars) à l'Espace Libre avec "Native girl syndrome" dont la première phrase de la description suffit à faire dire oui, "Ce spectacle n’est ni de la danse, ni du théâtre : c’est de la vie." Et tous le savent, la vie a la vie dure !


                                          Photo: Laura O'Brien

Crédit: La calq, The Names of Dancers (this is swallowed by neoliberalism or else fades into obscurity), 2016 (vue d'installation et performance). Danseuse : Lara Kramer. Avec le concours des artistes et de la Galerie Leonard & Bina Ellen. 

mardi 1 mars 2016

Retour sur mes récents pas de lecteur : "L'Envie" et "Lumière pâle sur les collines"

"L'Envie" de Hugo Roy et "Lumière pâle sur les collines" de Kazuo Ishiguro, deux romans avec deux points en commun qui me font poursuivre, avec bonheur, ma réhabilitation de lecteur.

Débutons par les points communs, le premier tient au fait que leur choix est en lien avec deux de mes collègues du département de français de mon collège (Ahuntsic). Pour le premier, puisque je me fais un point d'honneur de me procurer un livre québécois lors de la journée "J'achète un livre québécois" le 12 août et l'an dernier, j'ai porté mon choix sur le premier roman de Hugo Roy publié en  2000. Pour le deuxième, c'est un autre collègue du même département, Philippe Labarre, qui recommandait récemment chaudement cet auteur, par conséquent, j'ai choisi son premier roman pour commencer.

Le deuxième point commun de ces deux oeuvres est de camper la narration d'un personnage dans ses souvenirs avec des allers retours dans le présent.

Dans "L'Envie", Claude Dufort, marchand d'art en apparence, mais plutôt contrebandier, revient sur sa relation particulière, aux allures de jeu d'affrontement, avec un écrivain québécois célèbre juste après avoir appris son décès. Les deux hommes ne se sont jamais parlés, mais se sont partagés l'amour pour un et l'amitié pour l'autre d'une même femme. De la mort de l'un, les souvenirs de l'autre se dévoilent et nous entraînent dans une suite de lieux peuplés de personnages présentés sous l'oeil favorable du narrateur. De lecture facile, j'ai été captif du récit jusqu'aux dernières pages.

                                                        Photo: Les Éditions Boréal

Dans "Lumière pâle sur les collines", il y a Etsuko, japonaise vivant en Angleterre, qui revient sur quelques mois de sa vie lorsqu'elle vivait encore au Japon. Si le tout débute par l'arrivée de sa fille pour un séjour, l'atmosphère est embaumée du suicide de son autre fille, sur fond d'un épisode passé durant lequel elle a cotoyé une voisine énigmatique, Sachiko et sa fille Mariko. Il y a aussi le séjour de son beau père durant la même époque qui nous permet d'avoir un éclairage intéressant sur les coutumes du Japon de l'après-guerre, perspective toujours surprenante pour un occidental d'aujourd'hui. L'écriture est assez simple mais tout à fait efficace pour nous faire comprendre les sensations des personnages. De cette lecture, il en restera des zones d'ombre de la vie de cette femme qui aura eu un mari japonais et un autre que l'on suppose anglais. Néanmoins, de la vie de cette femme, autant ce qui nous est présenté que ce qui nous est caché en font la valeur, Sans aucun doute, de cet auteur, je mets sur ma liste ses romans dont sa deuxième oeuvre, "Un artiste du monde flottant".

                                                               Photo: Les Éditions Folio