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lundi 31 mai 2021

Sur mes pas (virtuels et réels) au FTA 2021: Mon bilan de mes premières sorties.

 Difficile pour moi de ne pas constater que Martin Faucher et les gens du FTA ont encore visé juste sur les enjeux actuels avec la programmation de cette édition. Tout comme en 2012, en plein printemps érable, je m'en souviens encore la programmation était en "parfaite harmonie" avec cette époque de revendications étudiantes. Cette année encore, mon début de FTA était de cette mouture. Pendant que se poursuivait l'enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan et de la découverte des corps de 215 jeunes autochtones sur le site d'un pensionnat à Kamloops, mes pas m'amenaient jusqu'au Jardin du Musée d'art contemporain de Montréal pour découvrir la plus récente création de Lara Kramer, "Them Voices". 

Avec en tête la description du FTA de ce que j'allais découvrir,  "la chorégraphe explore la relation entre son corps et la mémoire et questionne l’incidence de nos actions passées et présentes sur les ancêtres du futur.", je prends place sur mon siège. Le début de soirée est tiède sinon frais et devant moi se trouve un espace scénique tout en longueur avec en son milieu, un monticule sur lequel se retrouve une femme étendue immobile, la tête sous une bâche. Ce temps d'attente me permet d'observer les lieux et je constate sur le mur derrière, des plantes grimpantes qui s'accrochent pour monter ! Ce qui pour moi a toutes les allures des démarches actuelles des différentes populations autochtones dans un monde qui leur donne peu de prises. Une fois les 25 places occupées, un son, un grondement je serais tenté de penser, prend possession de mon attention et cette femme (Lara Kramer) commence à bouger. Rien ne semble facile pour elle et elle commence à occuper le lieu et accaparer mon attention. Malgré le soleil qui se fait de plus en plus bas comme le mercure du thermomètre, la fraîcheur du moment ne perturbe pas mon attention. Elle évolue dans cet espace en effectuant des gestes qui parfois échappe à mon interprétation, mais avec d'autres qui me sont fort éloquents. Quand elle prend sa truelle pour récupérer sur la toile de plastique, les traces de terre, réelles ou non, comme les identités de son peuple en territoires urbains. Celui aussi durant lequel, un sac de terre est mis devant, ouvert d'un coup de truelle, comme si elle tentait de recréer son monde de là-bas ici, mais sans grand succès, à en juger de sa réaction. 

Pendant toute l'heure, elle présente devant moi et je le ressens bien, ce qu'elle indiquait, soit "Le mouvement instinctif et la découverte de mon environnement immédiat sont des moteurs puissants de cette pièce". Depuis ma première rencontre avec elle, 2016, dans le hall d'entrée de l'Université Concordia en toute anonymat suivie dans les jours qui ont suivi d'une de ces oeuvres, "Native Syndrome Girl", je découvre "ses pas" qui me captivent à chaque fois. En revenant chez moi, cette rencontre continue à résonner en moi et me fait voir avec encore plus d'empathie ces "habitants de la rue" que je rencontre au retour au coin de la rue.

Le lendemain, c'est vers la Maison Théâtre que mes pas me portent, pour découvrir "Aalaapi" du Collectif Aalaapi selon l'idée originale Laurence Dauphinais et Marie-Laurence Rancourt. Cette proposition est crite sur le site du FTA comme "de précieux tressaillements de la vie au nord du 55e parallèle. Plongée contemplative dans l’intimité d’une génération de jeunes femmes inuites, Aalaapi révèle le Nord par le truchement de la radio." Installé dans cette grande salle, isolé sur mon siège, "loin" des autres, le tout commence. Après un petit cérémonial d'accueil, les moments qui suivent nous présentent le quotidien avec un visuel simple soit deux fenêtres qui nous permettent, lorsque les rideaux sont ouverts, de voir un intérieur qui ressemble à une cuisine. Et dans ce monde tout au nord, la radio est un lien de communication qui unit et c'est ce que nous découvrirons par la suite. Les propos sont diversifiés, couvrant différents aspects de la vie quotidienne et qui me permettent de prendre conscience d'une réalité fort différente de la mienne. "Le défi était d’arriver à créer une rencontre entre le public et elles pour favoriser un relâchement et une précieuse disponibilité" et ce défi est relevé selon moi. Si je me fie à la discussion d'après-représentation, nous étions nombreux avec la même perspective. À défaut, d'aller tout au nord, "Aalaapi" nous y amène autrement avec une touche humoristique surprenante vers la fin et une marque d'ouverture à la toute fin. Si un jour, on m'avait dit que la radio prendrait une place importante lorsque j'irais à une présentation du FTA, j'aurais été fort dubitatif et pourtant ! Et de ce type de rencontre "intime", j'en veux d'autres !

Durant mon retour à la maison, je met la radio et signe du destin, est présentée une chanson d'une auteure-compositrice-interprète inuite, Riit. Une belle découverte qui m'a permis de maintenir le lien avec ce que je venais de voir et d'entendre. Et je compte bien continuer à explorer cet univers musical !

Ma troisième rencontre avec une proposition du FTA a été elle, d'une toute autre nature, soit la mise en lecture de Martin Faucher de "La fille de Christophe Colomb", roman de Réjean Ducharme par Markita Boies. Je l'avoue humblement, je n'ai jamais lu jusqu'au bout une oeuvre de cet auteur. Mais là, devant mon écran, je me suis laissé aller sur les mots décrivant les péripéties "surprenantes" et captivantes de cette héroïne. Les présentations en webdiffusion sont, je pense, une initiative fort prometteuse pour l'avenir ! 

Au final, des premiers pas très bien réussis et qui se poursuivront dans les prochains jours.

vendredi 11 mai 2018

Sur mes pas en danse: "Phantom Stills & Vibrations", "Ngii Miigwewinmii iw" troublant de Lara Kramer.

Les grandes manœuvres du FTA ont beau commencer dans un peu moins de deux semaines, il nous propose une première proposition qui commence ce jeudi dans la salle d'exposition du MAI.

"Phantom Stills & Vibration" de Lara Kramer se décline en deux éléments, d'abord une exposition (jusqu'au 10 juin) et aussi une performance (présentées en quelques occasions, soit en plus de ce 10 mai, les 17 et 24 mai et 7 juin à 19h00 ainsi que le 2 juin à 15h00). Le tout prenant appui sur l'expression "phare" "C'est mon héritage" ou "Ngii Miigwewinmii iw", soit celui d'une femme dont les trois générations précédentes ont fréquenté le pensionnat indien Pelican Falls dans le nord de l'Ontario.

Nous sommes invités à une visite les traces des lieux de ce pensionnat maintenant démoli et remplacé par une école secondaire. Elle nous propose sa perspective d'une violence jadis acquise mais dont l'empreinte est encore présente. Et c'est cette empreinte toute aussi invisible que forte, que j'ai découvert avec des images, des objets, des sons et des fragments de témoignages, enveloppés d'une atmosphère forte, malgré l'agitation propre à un vernissage.

                               Photo de Lara Kramer par Stefan Petersen

Le milieu de la salle est inaccessible aux visiteurs, protégé par des bandes de plastique transparentes et ce lieu sera celui où la performance aura lieu, un peu plus tard. Autour, d'abord sur un grand panneau indiquant en langue amérindienne d'abord et en plus gros, mais aussi en anglais et en français, que Lara Kramer nous présente son oeuvre. Plus loin, nous pourrons voir un canoë "rempli" de graines, un reste de grillage, une série de Polaroids du lieu avec elle sur certains accompagnés parfois dans les marges des mots. Il y a aussi un tas de bois coupés, les restes de ce pensionnat, je serais tenté de penser, tout proche, un coin qui a tout du lieu intime autochtone mais aussi, au fond de la place, près de 200 draps pliés (plus précisément 180, si j'ai bien compté) en différentes piles sur deux "colonnes" de bancs, me rappelant les dortoirs d'un pensionnat. J'ai pu aussi entendre dans les casques d'écoute répartis un peu partout dans la salle des sons, et des témoignages sur fond d'eau qui coule ou de gazouillis de bébé. Dans ce coin, qui m'a gardé captif un long moment, la peau d'animal, le porte bébé, le contenant de graines et le pot d'eau tout simple soit-il est fortement chargé en symboles d'intimité et cela me rejoint.

De ces lieux, j'en ai fait un et deux tours, lentement, m'arrêtant souvent, restant sur place et découvrant des détails ratés la première fois. J'ai ressenti pleinement ce que l'objectif de Lara Kramer qui le mentionne dans le feuillet de présentation, Phantom, Stills & Vibration est une oeuvre qui vise à faire sentir aux gens le poids du silence, des fantômes qui hantent toujours le lieu, aujourd'hui reconverti en école secondaire." C'est donc dans un état de réception que je suis prêt à découvrir sa performance accompagnée par Stefan Petersen.

Les lumières s'éteignent et arrive d'abord, lui qui se met à étaler de la "poudre" de différentes couleurs. Il le fait avec application indifférent aux alentours. Arrive ensuite, elle qui prend place dos à nous et reste immobile. Lui, toujours en action, continue à colorer et à déplier ce drap, tandis que elle toujours dos à nous, se met, tout lentement, à une tâche qui nous échappe. L'attente est palpable parmi les spectateurs, certains abandonnent et quittent, mais il suffit de se concentrer pour ressentir les vibrations et d'imaginer les fantômes du passés. Très personnellement, je ressens la détresse intérieure de cette femme et aussi sa détermination à évoluer. Ce qu'elle fera en se déplaçant tout autour, arrêtant pour nous interpeller du regard. Elle le fera juste devant moi et je sens son regard m'interpeller. Arrivera le moment de la rencontre de lui et de elle qui laissera des traces, sans changer le cours des événements, triste constat !!! C'est donc dans une position de repli que le tout se termine.

Voilà des moments qui tiennent plus d'une rencontre expérientielle exigeante que de la performance, du même type que j'avais vécu avec "Native Girl Syndrome" en 2016 de la même chorégraphe. Expérience forte, pas nécessairement agréable, mais essentielle pour bien ressentir ce qu'ont vécu ces hommes et ces femmes traumatisées par notre comportement. Un moment de prise de conscience qui nous permettra, je l'espère, de reconnaître notre responsabilité collective.


lundi 30 janvier 2017

Sur mes pas en danse: Un "Remix" réussi bien mélangé au Studio 303

Les propositions "danse" sont encore peu nombreuses en ce mois de janvier, mais elles laissent à mes pas les hésitations de direction dans le placard. Ainsi donc en ce dimanche après-midi presque printanier, c'est vers le Studio 303 que je me suis dirigé, avec au programme, un "Remix". Si comme moi, vous vous informez, vous savez déjà qu'un remix en danse contemporaine consiste à mettre côte à côte dans le temps, une oeuvre originale et sa réappropriation, suite à une résidence d'une quinzaine d'heures au Studio 303. Au programme, les chorégraphes Aurélie Pedron et Lara Kramer qui remixent Crow’s Nest and Other Places She’s Gone d’Olivia C. Davies et transposition d’Hanna Sybille Müller, respectivement. Le programme annonçait : "Quatre courtes pièces seront ainsi présentées : deux originales, suivies de leur remix.", par conséquent, le spectateur que je suis se préparait à comparer et, déjoué l'a-t-il plutôt été. Parce que les oeuvres ne l'ont pas été dans cet ordre, mais plutôt, les deux remix d'abord et les deux extraits des oeuvres originales, ensuite. Ainsi donc, à l'inverse et pas à la suite, difficile, sinon impossible pour moi, de mettre un cadre de référence pour un exercice de comparaison analytique ordonné. Après l'avoir rapidement compris, je me suis laissé aller et je m'en tiendrai à présenter mes des fragments d'observation, suite à ce beau moment passé à découvrir des univers chorégraphiques féminins dans lesquels irradiaient l'intériorité et le rituel. 

                                          Hanna Sybille Müller par V. Soucy

De cette femme seule qui bougeait lentement à notre arrivée et qui ensuite nous invite à la rejoindre (et que peu feront), de ces cloches d'une église toute proche qui résonne "en harmonie" avec les mouvements du moment, de cette invitation à prendre un oeuf (qui dans mon cas m'a été offert), de ces moments "bénis" de lenteur, dont même les quelques cris d'un bébé dans la salle ne pouvaient briser le charme. La danse contemporaine est décidéement un univers vaste et fascinant que je découvre encore. Je ne saurais écrire en quoi les remix sont formellement intéressants, mais pour l'amalgame des univers et de l'influence des uns sur les autres qu'ils permettent, ma sortie a été réussie et enrichissante.

C'était un quatrième remix, le premier selon cette formule inversée, mais peu importe, j'y reviendrai.

mardi 15 mars 2016

Sur mes pas imprévus en danse: "Native Girl Syndrome"

Pendant qu'ailleurs à Montréal, deux hommes attendent Godot avec espoir, ici à l'Espace Libre, deux femmes errent sans aucun espoir, anesthésiées par l'alcool et la drogue.

Quand nous entrons dans le studio Espace Libre, elles sont déjà là avec leurs maigres possessions dans un lieu où les détritus occupent toute la place. Décrite comme n'étant pas de la danse ni du théâtre, "Native Girl Syndrome" de Lara Kramer est pour moi une oeuvre sur le mouvement qui fait du sur place. Parce que ces deux femmes, tout au long de notre rencontre, ne parlent pas ou si peu, ne regardent pas devant ou si peu. Intensément interprétées par Angie Cheng et Karina Iarola, elles sont condamnées à errer sur place en gestes désespérés, comme le nageur au milieu d'un lac juste avant de se noyer. Il y a bien un moment d'espoir, au détour d'une chanson ou de leur brève interaction, mais bien vite la réalité reprend toutes ses prérogatives et toutes seules, elles poursuivent vers nulle part. Qui sont ses femmes ? Question que l'on préfère éviter. Pourtant, elles sont là, errantes, prenant le peu qui leur est donné par la vie et la société qui les a déraciné d'ailleurs. Pour moi, qui en rencontre lors de mes déplacements dans le centre-ville, mais qui détourne les yeux en accélérant le pas, cette rencontre, de plus d'une heure, m'a forcé à découvrir plus longtemps cette réalité que ne veux pas voir. Et cela m'a fait forte impression.

Voilà une oeuvre qui n'a rien d'agréable, mais pour peu qu'on l'accepte, elle nous permet de voir une réalité que l'on voudrait bien ignorer et dont nous sommes collectivement responsables. Pour cela, merci Lara Kramer. 

Pour ceux et celles intéressé(e)s à lire une entrevue éclairante avec elle, voici le lien sur Local Gesture:

http://www.localgestures.com/dance/portrait-lara-kramer

                              Photo: Site de l'Espace libre

mercredi 2 mars 2016

Sur mes pas en danse hors sentier avec Lara Kramer; Sightings 15: The name of dancers.....; autre expédition

Avant d'y aller d'une autre expédition à ce Sightings 15, je me suis permis une petite recherche à propos de celle qui "occupera" ce grand hall,  il y a ce bloc dans lequel nous pouvons toujours lire;  The Names of Dancers (this is swallowed by neoliberalism or else fades into obscurity) ou [Les noms des danseurs (ceci est avalé par le néolibéralisme ou alors se fond dans l’obscurité)].




Donc sur son site, j'ai appris que Lara Kramer, graduée de l'Université de Concordia, est "chorégraphe et interprète Oji-Cri (Ojibwée et Cri) dont les œuvres sont intimement liées à l’histoire et à ses racines Autochtones." Voilà une information importante qui m'a mieux permis de comprendre sa performance dans ce grand hall. 

J'arrive, il est presque 15h00 et à leur tour, arrivent discrètement l'interprète accompagnée d'une responsable de l'évènement et d'une photographe. 3 ou peut-être 4 personnes l'attendent dans le hall. Tout aussi discrètement, elle enlève ses bottes et prend position juste là, à l'abri du cube. Par la suite, sans jamais se déplacer, "les pieds ancrés", elle nous proposera une performance toute aussi intérieure que déterminée, "les yeux droits devant", comme le montre si bien la photo plus bas. En effet, elle semble complètement imperméable à l'environnement humain et physique et son corps semble bouger au gré des esprits ou des démons qui l'habitent et qui l'entourent. Il y a bien cette paire d'écouteurs, mais pour nous, rien à en tirer. Dans l'indifférence presque totale des personnes qui passent, elle illustre, volontairement ou non, le sort de nos concitoyennes autochtones. Jamais vu une illustration aussi éloquente du sort de ces femmes et cela me restera longtemps en tête. 

De cette expédition, j'en reviens tout aussi troublé que par "Unrelated" de Daina Ashbee présentée l'automne dernier au Théâtre LaChapelle qui portait sur la lutte des femmes autochtones. Avec une approche différente, Lara Kramer sensibilise tout autant. Si comme moi (vite à mon agenda !), vous voulez faire une rencontre qui marque, sachez qu'elle se produira très prochainement ( 10 au 19 mars) à l'Espace Libre avec "Native girl syndrome" dont la première phrase de la description suffit à faire dire oui, "Ce spectacle n’est ni de la danse, ni du théâtre : c’est de la vie." Et tous le savent, la vie a la vie dure !


                                          Photo: Laura O'Brien

Crédit: La calq, The Names of Dancers (this is swallowed by neoliberalism or else fades into obscurity), 2016 (vue d'installation et performance). Danseuse : Lara Kramer. Avec le concours des artistes et de la Galerie Leonard & Bina Ellen.