mardi 24 avril 2018

Sur mes pas en danse: Une soirée au La Chapelle pour explorer les limites et les franchir

Pour conclure sa saison danse, le théâtre La Chapelle nous propose deux propositions particulières. Et en ce lundi de début de printemps, il était possible de les voir dans la même soirée. Voilà donc pourquoi, mes pas m'ont amené rue St-Dominique dans le hall d'entrée fort achalandé de cette salle de présentation.

Je n'était donc pas le seul à vouloir profiter de ce "programme double" qui présentait, en première partie, "SOFTLAMP.autonomies" (d'Ellen Furey et Malik Nashad Sharpe) comme un objet chorégraphique et "un slogan vidé de ses prémisses". Ensuite, "Fame Prayer/Eating" (d'Andrew Tay, François Lalumière et Katarzyna Szugajew), comme "une tentative vers une spiritualité queer" et "d'une performance rigoureusement indisciplinée".

                                   Photo de "Fame Prayer/Eating" tirée du Site de La Chapelle

Les portes de la salle s'ouvrent et pendant que les sièges trouvent tous preneur, sur scène étendus par terre les deux interprètes dans leur "uniforme tout blanc", avec dans leurs mains des bâtons d'encens tous allumés. Et nous le constatons rapidement, de l'encens, ça sent et elle prend possession de tout l'espace et aussi, complètement de nos sens olfactifs. Si nos yeux sont au repos, le nez travail et pour certains, cela se répercute pour produire des toussotements retenus. Personne ne quitte cependant.

                               Photo de "SOFTLAMP.autonomies" tirée du site de La Chapelle

Et les bâtons brûlent, l'air se sature et nous nous attendons, nous attendons et nous attendons. Je me retrouve dans une position assez particulière et très peu fréquente, soit d'être plus à l'écoute de la salle que de la scène. Et juste, vraiment juste ! au moment auquel je me demande s'ils auront l'audace de nous laisser repartir une fois l'encens consommé, sans avoir bougé, la musique prend possession à son tour de l'espace. Et eux, laissent les restes de leurs bâtons et ils se mettent à prendre possession de la scène dans une suite de mouvements fort bien synchronisés. Leurs pas explorent tout l'espace, mur à mur, sur le rythme de la musique qui revient en boucles. L'effort de patience que nous avons dû fournir en début est remplacé par l'effort évident des interprètes dans le tableau qui est, pour moi, un terreau fertile d'émotions pour le spectateur.

La suite alterne mouvements et immobilité sur cette trame musicale qui rejoue en boucles et qui sait, se terminera peut-être jamais. J'ai l'impression que l'on m'amène à mes limites de spectateur. Quand l'espoir d'un début succède à celui d'un début, serait-on tenter de penser ! Et dans une finale fort bien réussie, les deux interprètes font leur sortie et après nos applaudissements, nous aussi sortons pour profiter de l'air printanier sans encens !

Retour dans le hall d'entrée pour revenir dans la salle et découvrir "Fame Prayer/Eating". L'univers d'Andrew Tay, j'en connais certains territoires et, j'ai encore en mémoire, sa performance "éclatante" avec Katarzyna Szugajew, lors de sa dernière édition du "Short&Sweet". Alors cette fois, nous irons où ?

Dans notre entrée, les trois interprètes sont déjà présents et nous accueillent avec le sourire. Le moment arrivé, Andrew Tay, micro en main, nous indique les avertissements habituels à propos du contrôle des "bidules" intelligents et aussi sur ce qui nous sera présenté.

La suite est tout sauf prévisible et relève d'une audace corporelle totalement déjantée. En apparence, semis improvisés et comme annoncée "rigoureusement indisciplinée", les tableaux présentent les trois interprètes qui osent physiquement et éclairent leur propos par leur physionomie (à ce titre le regard de François Lalumière durant certains tableaux était hallucinant). Impossible de rester insensible des mouvements casse-cou sur fond d'une légère toile qui répercutent fortement en moi et provoquent, aussi, des ondes de réaction dans les sièges derrière. Les performances qui utilisent "les idées véhiculées par la psycho-pop et les textes pseudo-spirituels" frappent fort et juste. Ils utilisent leurs corps "externes" pour "s'entrechoquer" et faire résonner notre corps "internes". Enrobés des textes, les performances atteignent leurs objectifs, soit d'explorer "un espace queer de culte, une critique de la culture du bien-être et une performance transgressive et désorientante pour le public". Le tout se termine par une expédition périlleuse des trois interprètes dans les estrades, durant laquelle nous retenons notre souffle, en gardant nos bras disponibles qui met un point d'orgue à cette soirée durant laquelle nous avons exploré et franchi les limites.

Au final, deux oeuvres, toutes différentes qui explorent les limites, d'abord, celles des spectateurs, aussi et surtout celles des interprètes, ainsi que les limites du genre artistique et sexuel dans la performance. Deux oeuvres qui provoqueront des réactions de toute nature chez les spectateurs qui oseront, et, pour cela entre autre, je les recommande.

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