mardi 7 juin 2016

Sur mes pas de danse au FTA: Une "Fin de série" qui frappe

Manon Oligny l'a déjà énoncé, "L'approche chorégraphique n'est pas quelque chose qui se décide, c'est un parcours que l'on poursuit d'une création à l'autre." C'était écrit dans le feuillet décrivant "L'Éducation physique", il y a dix ans en 2006. J'y étais et depuis, j'ai suivi ce parcours. Mes pas m'ont amené, par après, d'abord à l'installation "performatique", "L'écurie", dont les interprètes se trouvaient dans des stalles et nous demandait d'observer ses femmes en choisissant notre point de vue. Par après, en hommage à Nelly Arcand, "Icônes, À VENDRE", situant la "femme" dans une perspective différente, mais toujours au coeur d'une mission de la chorégraphe à interpeller et qu'elle réussit à transmettre autant aux femmes qu'aux hommes, une oeuvre après l'autre, pour peu que l'on suive son parcours.

                                          Photo de Claudia Chan Tak

Voilà donc, qu'elle poursuit sa route à ce FTA avec "Fin de série" pour lequel le feuillet présentait la phrase choc "Filles-machines, filles-images, filles-spectacles, filles-marchandises, filles-ornements ... elles sont l'illusion de la perfection.", tirée du livre "Les filles en série" de Martine Delvaux. Et à la question de Fabienne Cabado, "Et elle se battent avec fougue contre leur finitude", la chorégraphe répond, "Oui, cette notion de lutte est la pierre angulaire de la pièce".  Une oeuvre avec un ton plus affirmé, moins résigné, avec des femmes, en apparence toutes pareilles, mais qui montrent quelques différences pour peu que l'on soit attentif.

Le tout commence par la confession physique de leurs imperfections à grands traits noirs. Par la suite, elles revêtent leur habit imperméable pour affronter la "tempête" de leurs réalités. Et cette perspective de lutte, qui pour moi avait des allures de révolution, est présentée par des mouvements imprégnés de force, de frénésie et même parfois de violence. Il est évident que leur but n'est pas de plaire, mais de produire des mouvements symboliques qui frappent fort, qui défoncent comme pour une révolution. Leur mission est évidente, aller de l'avant dans le parcours et porter le message"pamphlétaire" de la chorégraphe.

Nous pourrons observer jusqu'au dernier tableau la mue de ses femmes, toutes ensemble, comme pour se délester, sinon se libérer de la charge qu'elles portent depuis leur naissance. Durant cette conclusion, nous pourrons voir, comme pour la tête de Jean le Baptiste, le mythe de la femme, celle espérée, celle souhaitée, celle montrée, qui est déboulonné et qui roule à nos pieds et qui est recouvert par la diversité de perruques venant de là-haut. Ces perruques qui sont la signature de la chorégraphe, pourraient être aussi le signal comme quoi cette mue leur permettra de revêtir des vêtements qui leur seront propres, à l'image de ces perruques toutes différentes.

Le tout n'aurait pas eu le "punch" si les interprètes, Geneviève Bolla, Miriah Brenna, Marilyn Daoust, Karina Iraola, Anne le Beau (présente dans les toutes les oeuvres présentées au début de ce texte) et Florie Valiquette (aux gestes et à la très belle voix) ne s'étaient investies totalement. L'effort physique qu'elle devait fournir se transmettait dans tout la salle. En complément, j'ai vécu à cette soirée, une première, soit l'utilisation de la magie dans un spectacle de danse. Loran a fait disparaître, là juste devant moi en première rangée, Geneviève Bolla enfermée dans une petite boîte après l'avoir transpercé avec de nombreuses épées. Je ne suis pas certain de la pertinence symbolique de cette partie, mais un esprit éclairé pourrait la justifier. De la magie, il en faut dans la vie parfois, quel qu’en soit la nature.

Intéressant de constater que je venais de terminer la lecture, il y a quelque temps, de "Je serai un territoire fier et tu déposeras tes meubles" de Steve Gagnon chez Atelier 10, pamphlet qui portait sur la difficulté pour un homme d'endosser les rôles imposés par notre société. Vivre aujourd'hui, dans une société qui formate ne semble pas un problème exclusivement féminin. La prise de conscience souhaitée durant cette heure est, j'en suis convaincu, le milieu du parcours et non pas une "Fin de série". Je suis aussi convaincu que Manon Oligny devra poursuivre son parcours et à cette prochaine fois, je serai là, encore, pour en voir le résultat.


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