Photo d'Alex Huot
Mais, je voudrais revenir sur ma sortie à l’Usine C dans le cadre du Festival Actoral, pour assister à « Fléau », une œuvre de cinq heures d’Alex Huot et Dave St-Pierre. Comment arriver à aborder ce type d’œuvre avec vous ? Et bien, entre autres, en mettant mes espadrilles, partir courir et revenir 15 kilomètres plus tard pour me permettre d’aller au bout de ma réflexion. Parce que voyez-vous, si cette œuvre m’a demandé d’y mettre temps et quelques efforts pour la découvrir, elle mérite aussi du temps et des efforts pour murir mon propos.
Quiconque suit les pas sur scène de Dave St-Pierre
seul d’abord et ensuite avec son complice Alex Huot, sait que le temps est un
paramètre fort élastique qu’ils aiment étirer jusqu’à la limite pour magnifier
la force du symbole et l’esthétique du moment. Je me souviens encore très bien du
propos de Dave St-Pierre avant la présentation d’une ébauche de création dans
une Maison de la Culture qui revendiquait le droit aux créateurs de prendre le
temps quitte à faire démissionner certains, sinon même la majorité des
spectateurs, avant le début des vraies choses. Je me rappelle aussi, de
« La Pornographie des âmes » et « Un peu de tendresse, bordel de
merde » qui me demandaient de ressentir jusqu’à la limite, ma limite, le
malaise devant différents tableaux. Peut-être maso le spectateur, peut-être
pas, qui sait ! Mais il y trouve son compte et revient.
Voilà donc pourquoi, je me retrouvais au début d’une
très longue file d’attente pour découvrir « Fléau » et ses épisodes
de vie déclinés en 5 heures. J’étais averti, « Les spectateurs s’attendent beaucoup à répondre à certains
types de codes, et à ce qu’un spectacle réponde à certains types de codes. On
devrait avoir le droit de les briser. C’est pour ça qu’on fait Fléau. » dixit Alex Huot et que
j’avais pu lire dans le Devoir. Mais ceux et celles autour de moi qui
rempliront « full » la grande salle de l’Usine C, que viennent-ils
chercher ? Ce groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes dans la vingtaine,
cette femme avec sa grosse valise qui lui sert de sacoche (merci Catherine
Lalonde pour l’info !) ou ce spectateur derrière moi qui me disait que c’était
une première fois pour lui, pourquoi font-ils la file avec moi ? Je ne saurais
dire.
Et moi, qu’est-ce que je viens chercher ici ? La
réponse "expérientielle" n’est pas simple, peut-être même pas traduisible en
mots. Mais je tente le coup. Tout au long, les différents tableaux riches en
symboles et intenses de leur intensité qui perduraient sans trop d’enrobage, m’ont
forcé à lâcher prise et ouvrir ma conscience, comme l’aurait fait un sauna avec
les pores de ma peau. Cette façon de m’interpeller, de me bousculer et de
m’amener dans un état d’inconfort, de déséquilibre, moi, je trouve cela
important, sinon essentiel pour mon propre équilibre. C’est comme si je cannibalisais
leur intimité, réelle ou imaginée, pour m’en nourrir.
« Fléau » a donc été pour moi, une rencontre
humaine inconfortable et troublante, mais forte et essentielle.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire