jeudi 19 octobre 2017

Sur mes pas en danse: À la découverte de bêtes de scènes, gracieuseté de Claudia Chan Tak

L'invitation pour cette soirée dans le programme du Festival Phenomena (à La Sala Rossa) était très claire, " la scène sera envahie par des créatures (artistes de la danse contemporaine) de toutes sortes. Elles laisseront leur animalité sauvage s'échapper férocement de leur corps " et sans retenue, je suis tenté de rajouter.

                                          Photo de Claudia Chan Tak tirée du site du Festival

Ainsi donc, la "grande patronne" du Festival Phenomena, D. Kimm, a invité Claudia Chan Tak à prendre possession de la scène pour une soirée et nous proposer un Cabaret d'animalités sauvages. Un programme prometteur qui a tenu ses promesses avec une longue liste de "bêtes de scène" aux comportements surprenants et parfois déconcertants, incarnés par une belle brochette d'artistes dont David Albert-Toth, Dany Desjardins, Andrew Turner, Philippe Dandonneau et Jossua Collin Dufour, le tout animé, avec humour et doigté, par l'assistante de l'assistante de l'assistante de l'assistante de la directrice du Zoo de Granby, personnifiée par Helen Simard.

Moi, j'arrive tôt, question d'avoir une belle vue sur la scène et, pour cela, c'est mission accomplie. Arrive le moment et la maître de cérémonie, habillée de l'uniforme de l'occasion (de safari)  monte sur scène et nous annonce le programme de la soirée.

S'en suit une première partie durant laquelle les "bêtes de scène" prennent toute la place. D'abord, avec sa belle folie contagieuse, Claudia Chan Tak, nous entraîne dans la mise à mort de sa Kitty qui se réincarnera. Tout aussi déjanté que fascinant, le moment captive et divertit. Il est impossible de rester insensible à ce déferlement, surtout quand la chanson de Marjo, "Chat sauvage" résonne dans la place. Impression de spectateur, "ça part fort".

Il s'en suit un numéro fort intrigant, gracieuseté d'Audrée Juteau, qui en entrée de jeu, sous des atours fantomatiques, met à mort, une innocente boîte de carton. Une fois la tâche faite, elle se dévoile pour nous révéler sa nature animale moins plus sage.

La soirée se poursuit avec une suite de tableaux, tout aussi surprenants que déstabilisants qui comble le spectateur audacieux que je suis et plein d'autres.

De cette soirée, j'en retiens la performance intrigante de cette "tortue" (avec son manteau) incarnée par David Albert-Toth, le duo de Philippe Dandonneau et Geneviève Lauzon qui avait un "grirr" félin fort percutant, la parade nuptiale fort convaincante de Jossua Collin Dufour. Mais mon coup de coeur est, sans conteste, la rencontre du "lion" d'Andrew Turner et de son double qui autant par le propos que dans l'interprétation, dans un sens comme dans l'autre, me fait dire "wow !!! ou "wow !!!"

Une soirée qui m'a permis de découvrir de superbes "bêtes de scène" durant laquelle, les artistes ont osé et ont réussi leur pari. Une soirée comme la chanson "In the jungle..."

https://www.youtube.com/watch?v=QvsQ9hYKq7c

lundi 16 octobre 2017

Sur mes pas au théâtre-danse: Ma rencontre troublante avec un narcissique

Par une belle soirée d'automne, mes pas m'ont porté à la rencontre d'un personnage. Rencontre qui sera appuyée par un propos chorégraphique avec des interprètes que j'aime bien. Voilà donc pourquoi, je me suis retrouvé, première rangée, pour assister à "Last night I dreamt that somebody loved me" d'Angela Konrad avec Éric Bernier et les danseurs-interprètes Marilyn Daoust, Nicolas Patry, Sébastien Provencher et Emmanuel Proulx.

                                          Photo de Le Pigeon tiré du site de l'Usine C

Dans cette grande salle de l'Usine C, j'ai donc fait la rencontre d'un homme dont le narcissime n'a d'égal que le propos qu'il nous propose sur différents tons. Une rencontre qui, au début, s'est avérée difficile, sinon quelque peu pénible, parce que cet homme n'est pas particulièrement sympathique et il n'a aucune intention de le devenir. Ses propos qui ont, au début, des allures de logorrhée verbales et dont la logique s'avère, en entrée de jeu, assez difficile à bien saisir. Mais, comme il m'est arrivé d'autres fois dans la vie, nous nous sommes apprivoisés. D'abord, par les propos qui se répètent et qui me permettent de saisir l'essence sur sa perspective de la vie et de sa relation avec les autres. La répétition du propos est pour moi, une des forces de ce texte. Pour appuyer sa relation avec les autres, il nous interpelle souvent directement, nous spectateurs dans la salle. Il y a aura aussi les "autres", révélateurs de relation, incarnés par les quatre projections de l'autre, trois hommes et une femme, plus interprètes que danseurs.  Il y a dans les nuances de leurs gestes et de leurs regards une illustration supplémentaire chez cet homme du mal-être de sa relation avec les autres. Il semble manifestement à la dérive. Il nous force aussi à réfléchir aux aspects fondamentaux de notre propre bonheur existant ou espéré. Question d'appuyer le propos et faire reprendre notre souffle d'attention, nous avons droit à des chansons (avec les paroles projetées sur un écran) des The Smiths. Un moment fort est le tableau fort percutant et assez drôle, dans lequel, il nous relate sa présence à un de leur concert avec un anachronisme fort approprié sur la confiance aux autres.

Pour cette rencontre, j'étais très heureux de me retrouver tout devant, parce qu'elle avait un caractère tout intime et que la proximité avec cet homme rehaussait. Quand, il vient s'assoir dans la pénombre à trois sièges de moi, c'est comme s'ilme parlait à l'oreille. "Last night I dreamt that somebody loved me" est une oeuvre exigeante qui, pour peu que l'on s'y abandonne, laissera sa marque. Et cela est possible grâce à la performance d'Éric Bernier qui navigue autant dans ses émotions que dans les éléments scéniques, tout en étant capable d'appuyer sa prestation par des mouvements de danse fort agréables à regarder.

dimanche 15 octobre 2017

Sur mes pas en danse: Pour intégrer la communauté grâce à Sarah Dell'Ava

J'ai hésité à faire cette rencontre, mais comment dire en mots, les regrets que je n'aurais pas eu (puisqu'absent) si je n'avais pas assisté à "Danse et communauté" de Sarah Dell'Ava, grâce à Tangente. De cette dernière phrase composée avec plein de négations, je ne peux que la clarifier, j'en suis sorti comblé de cette présentation. Loin des standards habituels de la danse, la chorégraphe nous entraîne dans une démarche décrite, "coeur à coeur, corps à corps", mais qui, selon moi, dépasse les interactions humaines, fort bien présentées d'ailleurs, pour celle de la création de notre monde.

Pour y voir plus clair, je vous présente mon expérience de spectateur. À l'entrée de la salle, nous devons enlever nos chaussures pour prendre place sur le plancher de la salle, soit sur des chaises, tout autour, près des murs de la salle, soit sur des coussins, plus au milieu de la place. Les gens prennent place et moi, j'observe. Il y a parmi nous des interprètes de cette pièce que je reconnais. Une fois la salle "full pleine", les portes se referment et la quinzaine d'interprètes prennent place à tour de rôle au milieu de nous.

                                          Photo de  Kiyane Racine et Marie Mougeolle par Sarah Dell'Ava

Peu à peu au rythme de leur coeur, nous les entendons expirer et bouger de plus en plus en phase. Comme si je voyais la création du monde, au premier jour, par leurs pulsations et leurs déplacements. Ce magma originel ou cette première cellule, je suis avec fascination son évolution . Arrive le moment de leur spéciation et là, mes sens (ouïe et vue) de l'observation sont mis à l'épreuve. Parce que, six territoires (ou continents) sont créés, de façon fort différentes et qui sont par la suite habités par des êtres qui s'y exprimeront en gestes, seul ou en duo ou en groupe. Dans ce monde dans lequel les contacts sont essentiels au propos, comme dans la vraie vie, comment tout suivre, devant et derrière moi, voilà le défi du spectateur. Il en reste que je le ressens fort bien et moi qui comme simple spectateur, je me sens interpellé et je voudrais bien y participer.

Mais le tout se passe autour de moi. Arrive le moment que les interprètes viennent à la rencontre des spectateurs et les invitent à prendre place autour de ces territoires habités. D'abord en petit nombre, les invitations incluent à peu près tous les spectateurs, dont moi, fort heureux, à venir participer au rythme de mon coeur aux mouvements collectifs de tous.  Difficile de bien décrire ce que je ressens, mais cet organisme originel qui s'est divisé devant moi, il s'est "resolidarisé" au son des chants et au rythme des mouvements de cette collectivité du moment.

Au final, quoi dire de plus que la danse contemporaine peut se décliner de façon fort différente, mais aussi de façon fort surprenante. Elle peut se voir, mais aussi elle peut se vivre. Il peut en émerger des moments de bonheur qui nous laisse une trace au coeur et au corps. Merci Sarah et toute ta gang pour ton travail patient (un an, si mes renseignements sont bons) à créer des moments qui nous montre la direction vers laquelle notre monde devrait aller.

lundi 9 octobre 2017

Sur mes pas au cinéma: Un retour réussi dans notre passé avec "Les rois mongols"

Il arrive dans la vie que l'occasion se présente pour faire devoir de mémoire. Et un peu moins de cinquante ans plus tard, Luc Picard, appuyé par Nicole Bélanger au scénario, nous ramène à l'époque de la Crise d'Octobre que les plus vieux comme moi, avons vécu comme adolescent. L'approche est astucieuse et la façon quelque peu surprenante. C'est en braquant la caméra sur quatre enfants que nous découvrirons le Québec de l'époque des ruelles grenouillantes de vie et de la cigarette omniprésente. Celle aussi de la "Route 11" de Jean-Pierre Ferland, cette époque, donc, pour laquelle les paroles de cette chanson nous proposaient la fuite vers l'avant, "à cent mille à l'heure" vers la liberté face à des contraintes asservissantes du passé. Et cette époque du Québec en ébullition des messes à gogo, des premières télévisions couleur, des prises de risque et de révolution, nous le ressentons bien.


Dans le décor bien campé de cette époque, il y aura une jeune fille (Milya Corbeil-Gauvreau, tellement bonne !) qui pour sauver son petit-frère Mimi (Anthony Bouchard, croquant de vérité) de l'éclatement de leur famille, se lance dans une opération désespérée avec ses deux cousins (Henri Picard et Alexis Guay, à la hauteur !). Le scénario a beau avoir des raccourcis et des invraisamblances, cette histoire nous la suivons avec plaisir et intérêt. Comment résister aux performances tellement crédibles de ces jeunes ? Ce qui est la principale qualité de ce film et pour cela merci, Félixe Ross ?

Au final, un retour dans notre passé avec des jeunes qui méritent que nous les suivions.


samedi 7 octobre 2017

Sur mes pas en musique: avec les "Dear Criminals" fort touchants

Vendredi soir, mes pas m'ont porté jusqu'à un endroit que je fréquente très peu, soit le Club Soda. Rien à dire de mal sur cet endroit, mais de la danse, il y en a peu, sinon pas, sur cette scène du boulevard St-Laurent. Mais lorsque l'offre s'est présentée pour assister au concert 3D, "Show en stéréoscopie 3D", j'ai dit oui.


                                          Tirée du site du Club Soda

Il faut expliquer que ma première fois avec eux, remonte, il y a un peu plus d'un an et devinez ? Et oui, c'était durant un spectacle de danse. Celui de Frédéric Tavernini, "Things are leaving quietly, in silence", qui pour le dernier opus de sa compagnie, Clovek & the 420, son chant du cygne, avait décidé d'être accompagné par le duo TwinMuses (les pianistes jumelles Hourshid et Mehrshid Afrakhteh) et du trio Dear Criminals (Frannie Holder, Vincent Legault et Charles Lavoie). Dernier opus pour des raisons, encore plus vraies aujourd'hui, que mentionnait le chorégraphe-interprète, "désabusé par des conditions de création de plus en plus difficile" dans le journal Le Devoir, le 13 mai 2016, signé par Mélanie Carpentier). 

La rencontre artistique solennelle m'avait marqué, "S'en suit des moments de danse qui ont toute l'allure d'un chant du cygne noir, celui rejeté par les autres", j'avais écrit. Ce trio avait rehaussé l'intensité de ce moment, avec sa musique tout aussi planante que touchante. Alors, comment ne pas dire oui à cette autre rencontre.

Mes pas m'ont donc amené sur le trottoir boulevard St-Laurent, "quelque peu" à l'avance, pour être certain de pouvoir m'assoir pour apprécier la prestation à venir. Très bonne décision, parce des sièges, il y en aura peu, le balcon étant fermé, because effets visuels à venir, le centre de la salle dépourvu de tout objet permettant de poser son postérieur. Moi, pour apprécier, je dois être assis et je dois bien voir. Et c'est ce que j'ai pu faire, juste à côté d'un des comptoirs de service, le meilleur "spot", selon le serveur, fort sympathique par ailleurs.

Le temps passe, la salle se remplit, jusqu'à l'arrivée du trio, 25 minutes après l'heure annoncée. Reflexe du spectateur que je suis et de bien d'autres autour de moi et dans toute la salle aussi, nous mettons nos lunettes "3D". Ce qui s'avère tout à fait inutile, parce qu'il n'y a que la musique, les voix et les projections 2D qui occupent l'espace. Et pour ceux qui n'ont pas saisi par eux-mêmes, le chanteur leur dit qu'ils bien beaux, mais que leur paire de lunettes est inutile, pour l'instant. Ce qui fait faire à de nombreux spectateurs, dont moi, une réaction de retrait, le plus discret possible. Le public est de toute évidence conquis, mais leur prestation est à la hauteur. Ils réussisent à créer une atmosphère d'intimité avec leur style électro-technique plannant. Et comble de bonheur pour le spectateur que je suis, qui a une très bonne vue sur la scène, la chanteuse accompagne sa prestation de superbes mouvements qui n'ont rien à envier aux interprètes de danse contemporaine. Satisfaire deux sens, la vue et l'ouïe, voilà de quoi faire grand plaisir au spectateur que je suis. 

Mais voilà venu le moment, celui de mettre nos lunettes 3D, pour pouvoir rehausser notre expérience. Difficile, sinon impossible de rester insensible à l'addition de cette nouvelle dimension. Ces points, ces flocons, ces traits qui se dirigent droit sur moi, oui, oui !!!, accentuent l'effet et l'intimité du moment. La musique fort belle sait se faire intime dans ce grand espace. Mais le temps passe et le temps de la "dernière chanson" qui, après les forts applaudissements, sera suivie par quelques autres. Et, selon moi, c'est là que le show a vraiment pris son envol, en mettant l'emphase sur la simplicité du rendu. Deux moments forts de ce rappel, d'abord une pièce "unplugged", avec les deux membres qui chantent accompagnés par le troisième à la guitare, sans micro, devant une salle toute silencieuse. Aussi, celui durant lequel le trio "casse" une pièce de leur plus récent opus "Fatale", magique, rien de moins. 

Mais le temps passe et la fin se pointe le bout du nez et le groupe quitte la scène. Et moi, je quitte, avec la conviction que de ce groupe, j'en suis vraiment "amateur". 

jeudi 5 octobre 2017

Sur mes pas en danse: "La vie attend" ou s'attend quoi de l'homme d'aujourd'hui ?

Pour obtenir mes réponses, mes premiers pas en danse en octobre m'ont porté chez "Danse-Cité" et "La Chapelle" pour découvrir "La vie attend" d'Emily Gualtieri et David Abert-Toth (Parts+Labour_Danse). Pour ce deuxième mercredi de présentation, le lieu est fort achalandé, la mise en liste d'attente des intéressés, des "sans billet", se conclut par un certain nombre de "yeah" à quelques minutes de la présentation. Par conséquent, c'est devant une salle comble, "riche" en gens du milieu de la danse, que viendra se présenter à nous, un des interprètes, Marc Boivin. Il met les gestes de côté, sauf ses bras fort actifs, pour nous entretenir sur son plaisir de nous voir si nombreux, et de ce que sera ou pourra être ce qui suivra. Je le connais fort bon danseur, mais comme acteur-improvisateur, là, il me laisse bouche bée. Ce que je retiens de cette introduction  Ça sera un spectacle, on nous le suggère, que seuls peut-être les superlatifs pourront qualifier. Donc, allons-y voir de plus proche.

                                          Photo des chorégraphes tirée du site de Danse-Cité

Arrivent ensemble, les cinq interprètes (Joe Danny Aurélien que je découvre pour la premire fois ici, Marc Boivin, Simon-Xavier Lefebvre, Milan Panet-Gigon et Nicolas Patry) qui dans une suite de tableaux nous présentent des états d'âme, sinon des états d'hommes. Ils le font de façon fort intense, même dans leurs états d'immobilité que les chorégraphes leurs demandent. Comme de vrais hommes (opinion personnelle, je le concède !), ils passent parfois abruptement d'un état à l'autre, sans que le passé, leur laisse de traces, à eux. À moi de suivre, parce que certains de leurs "états d'hommes" contrastent fort et moi, je le réussis. Le tout est relié par leurs propos récurrents sur la très grande qualité de l'oeuvre, "l'oeuvre d'une vie ou l'oeuvre de ma vie !" à un bémol près, comme quoi, la certitude, elle aussi, a son talon d'Achille. Il en reste que lorsqu'ils se mettent à danser ensemble ou seul, j'en retiens, qu'il faut laisser (au propre comme au figuré) la place pour s'exprimer avec les dérives ou les excès que cela peut apporter. Dans certains tableaux, le groupe se fait relais jusqu'à ce que l'unanimité se fasse et les pas, " till the end of the road", s'avèrent fort beaux à voir !!! L'ensemble bien appuyé par la trame musicale de David Drury.

Une oeuvre sur les hommes, avec la touche féminine d'Emily Gualtieri qui présente avec verbes hauts et gestes convaincants, comment les hommes peuvent avoir des personnalités "tout azimuth". Oeuvre aussi qui peut rejoindre le plus grand nombre, à preuve, les chaleureux applaudissements de la fin et les commentaires positifs entendus à la sortie de la salle.

lundi 2 octobre 2017

Sur mes pas en danse: Des "Danses buissonnières" audacieuses

Après l'Agora et Danse Danse (et deux belles soirées avec Marie Chouinard), c'était ma journée de rentrée chez Tangente avec la présentation de "Danses buissonnières". Ouvrir la saison avec la relève (ou les créateurs de demain, dixit le feuillet de la soirée), c'est comme, selon moi, ouvrir sur l'avenir, ouvrir sur de nouveaux pas plein de promesses. En simple, très bonne idée. Au programme, cinq oeuvres qui seront à l'image des qualificatifs que l'on retrouve sur leur site internet, "intimiste", "collaboration", "générosité", "inventivité", "prise de risque" et aussi de leur invitation, soit "Envie d'être secoué, dérouté…bouleversé ?" et de la réponse affirmative que l'on peut donner.

En ouverture de programme, "Summertime" de Marie-Pier Laforge-Bourret avec Natacha Viau. Plongée dans le noir, est la scène, jusqu'à ce qu'un projecteur nous montre l'interprète, toute immobile sur le côté gauche. Elle prend le temps de construire les attentes de la rencontre (entre elle et nous) et tout à coup, elle s'agite en mouvements brusques. Dans la suite de ses mouvements et de ses déplacements, nous ressentons une vie intense en montagnes russes. Cette présentation est appuyée par l'interprétation de "Summertime" par Janis Joplin et des extraits d'entrevue de cette chanteuse. Quand il est question d'une vie intense, le choix de cette chanteuse est très approprié. En une dizaine de minutes, le pouvoir d'évocation de cette chorégraphie, en fait un de mes coups de coeur de la soirée.

Courte pause, le temps d'installer dans la noirceur des éléments scéniques pour "No need for blue jeans here" de et avec Aliah Schwartz et Guillaume Loslier-Pinard. Cette pièce, je l'avais déjà vue cet été, au Festival ZH et comme pour la première fois, elle m'a laissé dubitatif. Je n'arrive pas à "embarquer" dans cette exploration de "l'absurdité inhérente à la réalité." Il en reste, je le reconnais, que l'absurdité est présente, la prise de risque aussi. Et comme elle été retenue par un jury de pairs parmi une trentaine de candidatures, cela m'interpelle comme spectateur.

Tout en douceur avec les éléments scéniques, incluant un des interprètes de la présentation qui l'a précédé, Bailey Eng (chorégraphe aussi) arrive doucement et prend possession du lieu à sa façon, avec "Look". Elle prend aussi possession de mon attention avec sa posture inversée, pieds et mains par terre, et qui le restera tout au long des déplacements de sa prestation, ce qui en soit est soi, est impressionnant pour le spectateur que je suis. Elle indique dans le feuillet qu'elle "valorise la virtuosité déguisée" et cette "créature" qui se déplace occupe un tout petit carré, au centre de la scène illuminé par des traits de lumière comme un espace de tic-tac-toe. Cet espace, elle l'investit totalement, jusqu'à ce que les lignes "de son destin" changent et qu'elle se dirige entre deux lignes hors de notre vue vers le côté jardin de la scène, sûrement vers la liberté !

                                          Photo de Bailey Eng prise par Marie-Ève Dion sur le site de Tangente

Entracte, sortie de salle et retour dans la salle. Nous sommes invités à enlever nos souliers et prendre place sur l'espace de prestation pour découvrir "Breach" d'Alexandre Morin. S'y retrouve déjà les quatre interprètes, non les cinq interprètes (Jonathan Goulet, Ivanie Aubin-Malo, Noémie Dufour-Campeau, Chloé Ouellet-Payeur et Simon Renaud), un étant enfoui, sauf le bas d'une jambe, sous un amas d'orques en plastique gonflé. Ils sont immobiles et c'est peu à peu qu'ils se mettront à bouger, avec en accompagnement une musique de "fond marin" et des textes lus sur les orques. Portant attention aux corps devant moi, ils me semblent bouger, tels des êtres inanimés dans les fonds au gré des courants marins. J'ai l'intuition qu'il faut que je reste attentif parce que les choses pourraient évoluer brusquement, tel un ressac. Mais si le ressac ne se pointe pas le bout du nez, chaque orque de plastique trouvera un compagnon et prendront le large, prenant une brèche pour leur liberté et l'ouvrant pour l'homme qui était dessous. Voilà une oeuvre qui demande au spectateur un lâcher prise qui peut s'avérer exigeant, telle une longue plongée en apnée.

Après le retour à nos places dans les estrades et l'installation d'une bâche en milieu de scène, débute "To shovel wings" de et avec Myriam Arseneault Gagnon et Laurence Lapierre, accompagnées par le musicien Patrick Moubarac. Comme, elles nous l'indiquent dans la présentation de leur processus de création, soit "notre recherche gestuelle est une quête d'ascension vers un univers illusoire". Cet univers illusoire, tel la bâche. qui se contracte, se déforme et se modifie par les pas et les mouvements des deux interprètes. Le tout s'accompagne par les sons qui percutent et se répercutent en phase avec ce qui nous est présenté. Elles nous proposent une démonstration de la relativité des lieux et des choses qui nous entourent. Une oeuvre qui m'a donc fasciné et qui a été mon autre coup de coeur de ces Danses Buissonnières 2017.