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samedi 23 octobre 2021

Sur mes premiers pas de la saison à l'Usine C: Revoir avec autant résonance "Pour" de Daina Ashbee !

 Peu à peu avec l'automne qui prend ses aises sur la métropole, mes pas me ramènent vers chacune de "mes" salles de rencontres culturelles. En ce mercredi soir, c'est vers l'Usine C qu'ils m'amènent pour revoir "Pour" de Daina Ashbee. De cette première fois au La Chapelle (il y a environ cinq ans !), je n'en avais que de vagues souvenirs et pourtant !!!! Cette fois, c'est à l'Usine C que je reverrai cette oeuvre, portée cette fois avec tout autant de brio par Irene Martinez que par Paige Culley, la première fois.

                                           Crédit: Stéphanie Paillet tirée du site de l'Usine C

Question de ne pas me répéter, je vous repropose ce que j'avais écrit à l'époque.

Avec "Pour", je peux l'indiquer en entrée de jeu, la chorégraphe poursuit dans la même veine, mais en l'ancrant dans "la relation complexe des femmes à leur cycle menstruel", fort justement annoncée comme une oeuvre "alliant force et vulnérabilité", des êtres qui plient, mais qui ne brisent pas. Mais, cette rencontre n'est pas facile, exigeante et interpellante, que l'on soit un homme ou une femme et cela dès le début. 

notre entrée dans la salle, nous devons prendre notre place dans la pénombre. Nous pourrons entendre à intervalle régulier, le temps que chaque siège accueille son spectateur, le cri ou le chant venant d'une forme humaine que l'on peut distinguer avec effort dans le fond de la scène. Ce chant ou ce cri, tel un appel, se modifiera peu à peu. La salle remplie, les lumières s'éteignent complètement et nous sommes là dans l'attente. Le personnage ( totalement investie du début jusqu'à la fin), s'approche tout à coup de nous, soit juste en face de moi en première rangée. Il fait noir, mais elle est là, prenant possession de notre attention et de notre vision, malgré le peu de luminosité entre nous.

Arrive, le moment, la scène blanche rayonne et nos yeux peinent et vacillent à effectuer la transition. S'en suivra une série de tableaux durant lesquels cette femme, sans défense, exécutera des mouvements ou des cris répétés jusqu'à parfois tester sa résistance et la nôtre aussi. Il a été parfois possible de ressentir cet effet dans la salle autour de moi. Les tableaux étant souvent sans enrobage musical, "cet effet de salle", il est difficile de le rater. D'autant plus vrai pour le dernier tableau qui nous oblige à un certain effort de retenue et qui devrait faire jaser "dans les chaumières" !!!. 

Pour ma part, j'ai été particulièrement touché lors des tableaux durant lesquels, elle m'interpellait (OK !, je sais que je n'étais pas seul, mais c'est tout comme !) avec son regard, les yeux grands ouverts, tout aussi affirmés que vides. Je me sentais visé tout en dedans et de respirer, j'en arrêtais presque.

L'abandon de ce corps féminin aux cycles fondamentaux pour que la vie soit, voilà ce que le spectateur homme que je suis a pu découvrir intensément tout au long de ce "Pour". Les pas de retour m'ont permis de revenir sur terre, comblé !

En cette soirée d'octobre, la "magie" de la chorégraphe a encore opéré. 


mercredi 2 septembre 2020

Sur mes pas en danse au Festival des arts de Saint-Sauveur: deux propositions toutes en lien !

 Il m'arrive de mûrir ma réflexion sur une oeuvre et souvent, cela s'avère salutaire. Non pas que ma perspective change nettement, mais que de nouveaux éléments l'enrichissent. C'est ce qui est arrivé lors de mes visionnements de la proposition d'Andrew Skeels et Isabelle Panneton, "Appel/Éveil au sommet". J'ai attendu avant de me compromettre à rédiger sur ce que j'y ai vu. Et c'est lorsque j'ai visionné la proposition, la semaine suivante, de Daina Ashbee et Alejandra Odgers, "Try-fixer" que ces deux oeuvres n'ont fait qu'une ! Et voici pourquoi !

"Appel/Éveil au sommet" nous présente d'abord un homme (Stéphane Beaulac) qui joue de la trompette dans un grand espace vert en pente. Et puis nous "arrive" un autre (Andrew Skeels), d'abord dans un flou , puis ensuite de façon plus nette sur une scène toute noire. Je sens rapidement que devant moi, c'est un soldat sur un champ de bataille qui semble affronter une force adverse. Il exprime en gestes ses différentes émotions face à un ennemi invisible et insaisissable ! Il encaisse, il riposte, il chute, il se relève avec des gestes qui sont fort éloquents ! Il le fera jusqu'à la toute fin où nous l'abandonnerons face à son destin. 

Mais qu'arrive-t-il à cet homme après ? Saura-t-il reprendre vie dans un monde plus normal ? Et la réponse m'a été fournie par la suivante, celle de Daina Ashbee et Alejandra Odgers. Nous passons d'un champ verdoyant à un milieu lacustre où nous sommes accueillis par le son de la flûte (Caroline Séguin) qui a tout de l'appel. Mais pour appeler qui ? Dans les profondeur du lac, on perçoit une présence qui produit des mouvements sur la surface. Et après des efforts tout en son et en mouvements, un homme émerge (Benjamin Kamino). Il semble à bout de souffle. Serait-ce notre soldat de la première proposition qui tente de revenir à une vie normale ? Il tente de le faire sur la même scène noire au milieu d'un lac ! Tout est difficile, malgré l'appui du son de la flûte, au son parfois surprenant. Cet homme sans protection, ni vêtements, tente de rester à la surface, comme l'on tenté plusieurs soldats revenus à la vie "normale". Mais que lui arrivera-t-il ? Pas question pour moi ici de vous le dévoiler. 

De façon générale, je voudrais mentionner la participation particulièrement active de la flûtiste dans cette oeuvre. Elle ne reste pas en retrait de l'oeuvre et elle a les deux pieds dedans, comme au début de l'oeuvre avec ses deux pieds dans l'eau ! Son rôle est fort important dans ma lecture de cette histoire proposée.

Ainsi donc deux œuvres qui ont de la suite et que je vous propose de découvrir à la suite l'une de l'autre. 

vendredi 1 mars 2019

La suite de ma présentation spectrale de la danse à Danscussions & Co: Le visible et l'infrarouge au programme avec des exemples !


Merci Klara et bonjour à vous tous,



Lors de ma plus récente chronique, je vous présentais les prémisses de ma toute personnelle perspective spectrale pour apprécier une œuvre chorégraphique et mieux comprendre son interaction avec les spectateurs. Pour porter un éclairage plus complet, je vous invite à poursuivre ma présentation en y ajoutant des exemples. Ainsi donc, une œuvre est composée d’une partie visible, allant du rouge éclatant au violet plus discret, en passant par le jaune, riche de sa chaleur scénique et le bleu plus profond. Chacune des œuvres nous propose un profil spectral qui lui est propre. En face, il y a le spectateur qui comme un détecteur peut être plus sensible à certaines de ces couleurs.

Pour tenter d’illustrer mon propos sur la couleur d’une œuvre, je reviendrai d’abord, sur ma plus récente sortie chez Tangente qui donnait carte blanche à Cédric Delorme-Bouchard, concepteur de lumières pour un programme triple et que nous avons reçu ici. La première partie de Castel Blast était riche dans la partie violette, par sa sobriété, sans nous proposer une partie rouge fort éclatante. Camille Lacelle-Wilsey avec sa proposition, nous entraînait, elle, dans la partie rouge éclatante, sinon écarlate de passion, serais-je tenté d’ajouter, peu intense dans la partie violette ! Entre ses deux œuvres qui possèdent des spectres complémentaires, nous avions droit à Annie Gagnon et une nouvelle version, de ma perspective, de son « Rituel géométrique » qui nous plongeait tout en profondeur dans le bleu, riche de sa sagesse et de sa poésie. Trois œuvres complémentaires qui, au final, couvraient l’ensemble du spectre dans le visible et pouvaient donc, satisfaire un grand nombre de détecteurs, oups (!) de spectateurs.

Mais la partie visible, comme vous le savez maintenant est complétée par deux autres parties, l’ultraviolet et l’infrarouge. Pour cette fois, je veux porter votre regard vers cette dernière. Cette partie spectrale, touchant nos émotions, se décline en trois parties, le proche, le moyen et le lointain infrarouge. Toutes invisibles soient-elles, chacune de ces parties produit des effets temporels différents. La partie proche-infrarouge de l’œuvre, lorsque présente, c’est surtout mais pas seulement, au moment de la présentation que nous la ressentirons. Une émotion de joie, ou de peine, par exemple, qui pourra se ressentir fortement ou non sur le moment, mais qui pourrait se dissiper assez rapidement. Si les émotions mises en mouvement dans l’œuvre, s’avèrent beaucoup plus fortes ou touchent un de nos points sensibles, elles pourront produire des harmoniques, comme le diraient les spectroscopistes, qui seront encore fort présentes et qui résonneront en nous pour un certain temps, sinon un temps certain.

Des exemples éloquents de ce type d’œuvres produisant ce type d’effet, nous ont été proposés, selon moi, ces dernières années par Daina Ashbee, qui avec « Unrelated », « When the ice melts, will we drink the water ? », « Pour » et, plus récemment, « Serpentine ». À chaque fois, elle a exploré l'univers féminin, ou de celui de notre Mère Nature, durant lesquelles, elle nous plongeait dans une mer d’émotions. Et à chaque fois, à des nuances près, j’ai ressenti fortement et profondément, ce que peut être une agression, fortement colorée de violence. Avec une simplicité scénique fort efficace, chacune de ses œuvres nous interpellent au moment de la rencontre, mais aussi et surtout, bien longtemps après. Par exemple, durant « Serpentine », incarnée par Areli Moran, elle le faisait en trois temps relativement identiques durant lesquels, la notion d’harmoniques, caractéristiques des infrarouges prend tout son sens. Spectateur, suis-je, mais aussi un peu observateur, j’ai pu assister au départ d’un bon nombre de spectateurs, tout à fait similaire au phénomène de saturation d’un détecteur. Montrant bien que notre capacité de détection est fort variable. Mais peu importe, lorsque nous repartons, impossible de ne pas méditer longtemps sur son propos appuyé qui n’avait pourtant pas une intensité si forte dans la partie du visible, mais qui répercutait en harmoniques !

Je pourrais poursuivre plus de l’avant vers la région de l’ultraviolet, mais pour l’instant je m’arrête ici. Bonne prochaine semaine de danse.

dimanche 11 novembre 2018

Sur mes pas en danse: Retour sur ma soirée "Remix" tout à fait réussie au Studio 303

C'était, il y a un certain temps que mes pas m'avait amené jusqu'au Studio 303 et encore plus, pour assister à une de leur proposition annuelle, une soirée "Remix". Une soirée qui présente un concept fort intéressant qui mériterait d'être repris plus souvent. Une soirée qui présente d'abord, les extraits de deux oeuvres pour ensuite nous faire découvrir la version ou la vision "remixée" par un.e autre chorégraphe. La transposition ou la relecture d'une oeuvre ouvre des horizons insoupçonnés et en cette soirée "Remix", nous en verrons des exemples éloquents. Et le spectateur que je suis était d'autant plus curieux qu'au programme, il y avait une oeuvre que j'avais déjà vue, il y a près de trois ans ("Fuck it" de Catherine Lafleur) et qui sera remixée par une chorégraphe que j'apprécie beaucoup, soit Caroline Laurin-Beaucage. Aussi au programme, "Belle" de Sarah Manya qui sera "remixée" par Daina Ashbee.

                                          Fuck it! – Catherine Lafleur par Studiomelies

Me voilà donc dans le corridor à la porte du studio, une quinzaine de minutes avant et c'est assez "désert". Dix minutes avant le début annoncé, je prends place dans salle, à peu près vide, mais en moins de cinq minutes, toute comble sera-t-elle devenue. Et si comme moi, comblée à la toute fin, aussi, le deviendra-t-elle et voici pourquoi.

À notre entrée dans la salle, déjà présents, Émilie Morin et Mathieu Campeau, ce duo fait couple pour ce qui suivra, accompagnés par un matelas. Nous serons donc témoin de ce matelas qui se tourne et se retourne sans cesse, faisant échouer lourdement les deux interprètes qui malgré tout se relèvent et poursuivent. Comme si le choc des choses n'apportaient pas de leçons et que la vie se poursuit, et doit se poursuivre.

Arrive le moment où les lumières dans la salle se font discrètes et, peu à peu, les corps se déphasent, légèrement d'abord et beaucoup plus par la suite, mais le matelas lui poursuit ses rotations. Comme si la vie de ce couple que j'y vois, avec du sable dans l'engrenage, se détraquait et passait du "un plus un" à du "un moins un", jusqu'à la confrontation des corps, ouf !!! Si mes souvenirs ont des "trous" sur ce que j'avais vu il y a presque trois ans, ce que j'ai ressenti à l'époque, a de nouveau résonné fort en moi. Il me semble que cette oeuvre mériterait à être vue et revue pour la réflexion qu'elle peut apporter. (Avis aux diffuseurs, en cette semaine du CINARS !).

Mais son Remix attendra, malgré que le spectateur est bien curieux et impatient. Parce que ensuite nous est proposé l'original de "Belle" qui se présente à nous sous les traits d'une jeune femme (Catherine Wilson) avec son attirail vestimentaire fort coloré de femme qui veut séduire, à tout prix. Et dans les moments qui suivront, elle utilisera de gestes et de propos siliconés, pour arriver à ses fins. Aucun stéréotype n'est laissé de côté et chacun, nous sont proposés fort intensément et habilement. À ce point, que pour ma part, j'en suis dérangé. Et soulagé de voir se terminer ce moment de rencontre avec une réalité qui, décidément, ne me plait pas, mais pas du tout. Cependant, pour avoir su me rejoindre autant, mes applaudissements sont bien mérités.

Le temps très court de mettre une toile, le Remix de "Fuck it", encore incarné par les mêmes interprètes (avec des vêtements couleurs vert et brun-beige que j'associe à la chorégraphe) se présente à nous. Un "Fuck it", en entrée de jeu plus frontal, mais aussi surtout plus verbal. Comme si les bouches à l'unisson, répétant le titre de l'oeuvre, voulait repousser la routine en la répétant et la répétant et la répétant, décliné tout en gestes. Et arrive son déphasage chorégraphique, coloré des traces gestuelles de l'original jusqu'à sa chute. Une autre belle façon, selon moi, de voir l'évolution d'un couple. Un Remix dont on peut dire "mission accomplie !".

Une autre très courte pause qui nous amène au Remix de "Belle" tout à fait différent, signée Daina Ashbee. Un Remix  qui a tout du négatif photographique, d'autant que cette femme (Catherine Wilson) se présente à nous, tout de noir vêtue. Et avec son attitude fort discrète contrastant fortement avec la version originale. Il s'en suit une série de courts "longs" tableaux qui nous la présente d'abord immobile pour ensuite évoluer vers différents mouvements ondulatoires qui deviennent pour moi hypnotiques. Comme une façon toute différente de me séduire et me faire succomber. La technique de séduction, "made Daina Ashbee", a tout du charmeur de cobra qui tente de me faire succomber. Et dans mon cas, ça fonctionne très bien. Elle nous propose sa vision (que j'aime toujours) d'être "Belle", soit de montrer comment le corps en apparence docile et asservi pour nous dominer. Et lorsque son regard se dirige droit vers moi, dans mes yeux, je succombe. De ces deux versions de "Belle", j'en retiens le contraste qui mis côté à côte, nous présente le docteur Jekyll en noir et blanc.

J'en reviens fort satisfait, parce que de ces types de rencontre, j'en redemande, peu importe la façon qu'elles me touchent, parce qu'elle provoque en moi des sensations fortes.

Merci donc aux responsables du Studio 303 de nous proposer ce type de rencontres, soit celles d'abord entre deux chorégraphes et ensuite avec nous.





jeudi 2 novembre 2017

Sur mes pas en danse: "Vice Versa" et "Serpentine" quand la "femme" s'expose !

C'est une soirée comme les autres, sinon que les petits (et plus grands aussi) monstres envahissaient nos rues en ce dernier jour d'octobre. Si les monstres rencontrés en chemin étaient assez peu perturbants, il n'en était pas de même du propos qui nous sera présenté pour le programme double à l'Usine C, avec "Vice Versa" de la Cie Mossoux-Bonté (la chorégraphe Nicole Mossoux et le metteur en scène Patrick Bonté) et ensuite "Serpentine" de Daina Ashbee. Une soirée en deux temps, aux tons différents mais sur un propos commun, celle de la violence au féminin.

                                         Photo de Mikha Wajnrych tirèe du site de l'Usine C

D'abord, tout subtilement et douceur, deux femmes ( Frauke Mariën et Shantala Pèpe) nous apparaissent tout au loin (au fond de la scène de la grande salle). Et c'est d'abord de là, au chant ou plutôt de la complainte médiévale, "Les anneaux de Marianson", interprétée par Michel Faubert qu'elles se mettent en mouvement avec des gestes harmonieux, tout en phase. Puis, peu à peu, subtilement, elles s'approchent de nous et de moi, tout proche, assis au milieu de la première rangée. Et de leurs mouvements me captivent, me permettant difficilement de porter attention au sort de l'héroïne de la complainte. De ce couloir lumineux, tout à coup, elles s'en écartent, comme si le destin défaillait et que sur scène la libération de la "belle" se faisait. Mais c'est ensemble et en phase qu'elles termineront ce moment.

Au final, un trop court moment durant lequel la douceur du gestes rehaussait la dureté du propos, démontrant que l'on peut se rendre à notre intellect comme le présentait Aristote, "rien n'est dans l'intellect qui n'ait été d'abord dans la sensation". Et cette "sensation" fût fort efficace, comme la suite de cette soirée le sera d'ailleurs. 

Après les applaudissements mérités et invitation à quitter la salle, nous attendons la suite à l'extérieur. 

Le spectateur informé sait déjà que la prochaine oeuvre, "Serpentine" de Daina Ashbee sera constituée de trois répétitions de la même performance. En entrant, il est informé qu'il doit prendre place assis par terre ou assis sur une chaise ou debout derrière ces mêmes chaises, tout autour d'une allée enduite d'huile, sans évidemment y mettre les pieds. Et s'il quitte durant la présentation, il devra le faire de façon discrète. Je prends donc place prudemment sur une chaise et découvre au bout de cette allée, le corps replié, face à terre, d'une femme nue (Areli Moran, impressionnate). Une fois, la foule nombreuse correctement installée et le silence obtenu, nous découvrons que cette femme peut bouger, d'abord de façon subtile dans le silence le plus complet. Et tout à coup, la musique d'un orgue se fait entendre, colorant le moment d'une chape de rituel. Et presque toujours face contre terre, cette femme avance. Sa démarche semble difficile, douloureuse, jusqu'à devenir insoutenable, pour elle et  pour nous, au point de se faire violence. Une fois son "chemin de croix" complété, elle se redresse, nous permettant de reprendre notre souffle. Et tout prudemment, le premier cycle terminé, elle revient à l'endroit initial où, nous l'avons découvert. Le premier cycle complété, c'est un tiers de la salle qui quitte. Cette oeuvre a beau être annoncée comme la répétition d'un même tableau, il en reste que la seule façon de le savoir est de rester et c'est ce que je fais. Parce qu'un corps qui souffre, qui s'offre et surtout qui offre sa souffrance mérite qu'on la suive jusqu'au bout et surtout dans les nuances qu'il nous montrera. Et des nuances, il y en aura, que ce soit de ces mouvements de violence encore plus importants ou des sons qu'elle émet durant. Il y aura aussi une sédimentation de nos couches d'inconfort que seule la répétition peut amener. Et de cette compréhension de la douleur amenée par cette violence faite aux femmes, je recite Aristote, "rien n'est dans l'intellect qui n'ait été d'abord dans la sensation". 

                                         Photo d'Adrian Morillo tiré du site de l'Usine C

Une fois la deuxième fois complétée avec ces nuances, un tiers des spectateurs restant quitte à son tour, laissant l'espace encore intime pour cette troisième fois qui pour moi, a résonné plus fort, parce qu'une fois la surprise de la découverte passée, il m'a été possible d'entrer en communion (terme, je le concède est un peu exagéré, mais le plus proche de ce que j'ai ressenti durant ces derniers moments) avec cette femme sans défense, contre elle-même surtout.

Une fois terminé, discrètement, elle quitte la salle, suivie par la chorégraphe et sans jamais revoir, ni l'une, ni l'autre, les applaudissements, cataplasmes imparfaits pour les spectateurs écorchés eux aussi, se font entendre. Je suis d'opinion que cette oeuvre se doit d'être vue en entier pour que résonne en nous ce message. 

Avec "Serpentine", Daina Ashbee peaufine, tout en simplicité et en efficacité, son exploration de l'univers féminin exposé à une violence qui devrait nous interpeller. Et elle mérite toute notre attention.


mardi 27 septembre 2016

Sur mes pas en danse vers "Pour", un offertoire pour la vie

Pour ma deuxième sortie de ce début de saison en danse tout féminin, après un impressionnant "La Loba", mes pas m'ont porté au théâtre La Chapelle pour y découvrir "Pour" (dans le sens anglais du terme), la plus récente proposition de Daina Ashbee. Le hall d'abord et la salle ensuite étaient "full" remplis pour la première en ce lundi soir, nouveauté intéressante de ce lieu de diffusion.

De cette chorégraphe, j'ai encore en mémoire les deux oeuvres que j'ai vues d'elle. D'abord, "Unrelated" pour laquelle, j'avais écrit "est une souffrance dévoilée, exprimée par des gestes d'auto-violence, par des gestes non aboutis, par des tentatives de prise en charge, mais jamais par la parole. Pour le montrer, elles le font sur un fond blanc tout cru, elles n'ont que le public pour tenter d'obtenir un certain appaisement." Touché et ébranlé en étais-je sorti !

Plus tard, "When the ice melts will we drink the water", solo plus court, mais tout aussi interpellant que sa proposition précédente. Il y a cette femme là, exposée, tout proche de nous dont les gestes trahissait une fébrilité et un désespoir évident. Ayant pour but d'entamer une réflexion sur les changements climatiques, cette "mère nature" a su bien le faire.

Dans ses deux oeuvres, en ressortaient pour moi, d'abord une vulnérabilité crûment exposée, à la merci des autres, face à nous, le regard bien haut, audacieux, pour la première et tout détourné pour l'autre. Il y a aussi cette proximité physique tout à fait assumée. Une si faible distance qui peut briser la fine pellicule de protection de ces femmes pour n'en conserver que l'audace. Des oeuvres viscérales qui m'ont fortement interpellé. C'est donc avec une certaine hâte, sinon une hâte certaine, que mes pas m'ont amené pour la suite du parcours chorégraphique de cette jeune femme à l'âme "audacieuse".


                                          Photo: Daina Ashbee

Avec "Pour", je peux l'indiquer en entrée de jeu, la chorégraphe poursuit dans la même veine, mais en l'ancrant dans "la relation complexe des femmes à leur cycle menstruel", fort justement annoncée comme une oeuvre "alliant force et vulnérabilité", des êtres qui plient, mais qui ne brisent pas. Mais, cette rencontre n'est pas facile, exigeante et interpellante, que l'on soit un homme ou une femme et cela dès le début. 

À notre entrée dans la salle, nous devons prendre notre place dans la pénombre. Nous pourrons entendre à intervalle régulier, le temps que chaque siège accueille son spectateur, le cri ou le chant venant d'une forme humaine que l'on peut distinguer avec effort dans le fond de la scène. Ce chant ou ce cri, tel un appel, se modifiera peu à peu. La salle remplie, les lumières s'éteignent complètement et nous sommes là dans l'attente. Le personnage (Paige Culley, totalement investie du début jusqu'à la fin), s'approche tout à coup de nous, soit juste en face de moi en première rangée. Il fait noir, mais elle est là, prenant possession de notre attention et de notre vision, malgré le peu de luminosité entre nous.

Arrive, le moment, la scène blanche rayonne et nos yeux peinent et vacillent à effectuer la transition. S'en suivra une série de tableaux durant lesquels cette femme, sans défense, exécutera des mouvements ou des cris répétés jusqu'à parfois tester sa résistance et la nôtre aussi. Il a été parfois possible de ressentir cet effet dans la salle autour de moi. Les tableaux étant souvent sans enrobage musical, "cet effet de salle", il est difficile de le rater. D'autant plus vrai pour le dernier tableau qui nous oblige à un certain effort de retenu et qui devrait faire jaser "dans les chaumières" !!!. 

Pour ma part, j'ai été particulièrement touché lors des tableaux durant lesquels, elle m'interpellait (OK !, je sais que je n'étais pas seul, mais c'est tout comme !) avec son regard, les yeux grands ouverts, tout aussi affirmés que vides. Je me sentais visé tout en dedans et de respirer, j'en arrêtais presque.

L'abandon de ce corps féminin aux cycles fondamentaux pour que la vie soit, voilà ce que le spectateur homme que je suis a pu découvrir intensément tout au long de ce "Pour". Les pas de retour m'ont permis de revenir sur terre, comblé !


vendredi 22 avril 2016

Sur mes pas en danse: troublé par "When the ice melts, wil we drink the water ?"

En conclusion de RAOTIHON:TSA (Focus sur la création contemporaine des premières nations), gracieuseté du Théâtre La Chapelle, nous étions invités à découvrir, pour une soirée seulement, au Café du Monument National, "When the ice melts, will we drink the water ?" de Daina Ashbee.



Cette jeune chorégraphe aux origines autochtones m'avait touché avec "Unrelated" présenté, il y a moins d'un an. Voici un extrait du texte que j'avais écrit à propos de cette oeuvre,  "....c'est une souffrance dévoilée, exprimée par des gestes d'auto-violence, par des gestes non aboutis, par des tentatives de prise en charge, mais jamais par la parole". Voilà pourquoi, j'étais là pour découvrir ce qu'elle avait à nous proposer avec l'interprète Esther Gaudette qui elle ne demande aucune présentation aux amateurs de danse d'ici. 

La soirée commence avec une prestation de musique électroacoustique de Jean-François Blouin dans l'entrée du café, juste devant un rideau qui annonce l'endroit de la suite de la soirée. Armé de son "Bâton de parole" les ondes musicales inondent l'espace avec en arrière plan sonore des captations sonores provenant de la réserve Nutashkuan, située sur les rives de la rivière Natashquan de la Côte Nord. Douce et agréable entrée en la matière, pour la suite qui, elle, ne le sera pas. Mais cela, nous ne le savons pas encore lorsque nous nous déplaçons pour prendre place sur les sièges qui entourent de part et d'autres la petite scène sur laquelle se retrouve déjà l'interprète, couchée sur le dos sur la scène blanche.

Bien que j'avais lu le feuillet qui indiquait, autant par le titre que par la description, "ouvrir la réflexion sur les changements climatiques" la thématique présentée, c'est la femme autochtone et toute son impuissance face à la violence de son destin que j'ai vu durant les trente minutes de prestations intenses qui ont suivies. Cette femme, à peine vêtue, toujours couchée sur le dos, ira chercher dans son intérieur ses mouvements qui illustrent sa souffrance et sa résillence. Pour ma part, j'ai été gardé captif par ce visage tellement expressif malgré une apparence de stoïcisme ou de regard projeté au loin. Les gestes sont violents et montrent une résistance passive fortement exprimée. L'interprète toujours le dos au plancher, tourne, se déplace, se contracte et se relâche vigoureusement durant un long moment, fort en intensité, tout cela dans le silence ou avec une légère trame sonore. Tout à coup, le noir se fait. La lutte semble féroce, si nous nous fions à ce que l'on entend, tandis que notre imagination permet d'y voir un affrontement sans lendemain. 

Les lumières se rallument et toujours couchée sur la scène, nous aurons droit à la conclusion et au lever de ce corps qui s'éloignera de nous, sans jamais revenir.  Long silence et enfin, des applaudissements fort mérités. Quelle belle fin !

Une oeuvre qui m'a troublé mais aussi interpellé. À y repenser, il y a certainement un lien entre le sort que l'on réserve à ces femmes autochtones et à celui réservé à "Mère Nature". Une fois que l'on aura détruit notre environnement, serons nous capables d'en assumer les conséquences ?




mercredi 23 décembre 2015

Sur mes pas de l'automne 2015, bilan des traces laissées

Depuis la fin de l'été, c'est vers plus de trente sorties danse et beaucoup plus de propositions compte-tenu des programmes double et triple que mes pas m'ont amené. Voici donc venue l'heure de faire un bilan de mi-année. Des oeuvres coup de coeur, d'autres "un peu moins", toutes cependant ne m'ont pas fait regretter mon déplacement.

Dans la catégorie coup de coeur, la liste pourrait être longue, mais je me limiterai à cinq oeuvres et quelques petits extras.

Mon top cinq d'oeuvres, dans le désordre:

"Pluton" de La 2e porte à gauche présenté à l'Agora de la danse en collaboration avec Danse-Cité. 
Voilà ce que j'écrivais quelques heures plus tard, "Impossible de résumer en quelques mots, tout ce que l'on peut ressentir devant tant de nuances en geste, d'intensité montrée ou retenue. Quatre oeuvres dans lesquelles la signature du chorégraphe est tout à fait perceptible mais totalement pris en charge par les interprètes. Des moments de pur bonheur, mais pour ma part, la chance s'est faite encore plus grande. Durant une prestation, comment réagiriez vous, s'il y avait Louise Bédard qui s'approchait de vous, s'adressait à vous seul en vous disant que êtes plus beau sans vos lunettes et que surtout que vous avez de beaux yeux."

"Unrelated" de Daina Ashbee présenté au La Chapelle dans le cadre du Festival "Grand Cru".

Voilà ce que j'écrivais à propos de cette expérience, ébranlé et touché.  Cette oeuvre sombre met en lumière...". Cette contradiction, en apparence, illustre bien, le sujet tel un corps noir qui irradie, soit la violence faite aux femmes, un côté sombre de la nature humaine qui produit une oeuvre lumineuse. Cette violence, inspiration de l'oeuvre se traduit par une souffrance exprimée, une souffrance qui est aussi totalement désespérée. Grâce aux performances intenses de Clara Furey et Areli Moran, c'est une souffrance dévoilée, exprimée par des gestes d'auto-violence, par des gestes non aboutis, par des tentatives de prise en charge, mais jamais par la parole. 

"Bagne Re-création" de Jeff Hall et Pierre-Paul Savoie à la Place des Arts présenté par Danse Danse.

Une heure qui frappe dans "l'dash" et qui laisse une trace tangible en nous. Voilà ce que j'écrivais  et qui encore résonne en moi. Belle occasion aussi de revoir une oeuvre marquante de notre répertoire en danse.

"Rites" de José Navas à la Cinquième Salle de la Place des Arts présenté par Danse Danse.

De cette soirée, j'ai écrit,  "Une fois les lumières éteintes, calme et posé, il entreprend trois courts solos en prenant le temps de changer de vêtements. Chers spectateurs, c'est à mon rythme que les choses se feront, indique-t-il. Si le rythme est saccadé, l'interprétation est fluide. Arrive la pièce principale de cette soirée, "Le sacre du printemps" qui me captive et m'interpelle autant par le propos que par l'interprétation." L'effet Navas avait encore fonctionné.

"(CO) + Le facteur humain" d'Evelyne Laforest et Rémi Laurin-Ouellette au Monument National présenté par Tangente.

J'écrivais "Une vingtaine de minutes qui font tout oublier, surtout les tracas" pour lapremière oeuvre et "Une danse qui fait du bien à l'âme du spectateur.", pour la deuxième. D'une esthétique douce et si belle et enrobées d'une trame musicale délicieuse pour l'oreille, nous en souhaitons d'autres de ces deux chorégraphes. 

Mes extras:

Mon moment fort d'interprétation:

La prestation de Brianna Lombardo dans "ThisDuetThatWe'veAlreadyDone(so manytimes)" avec Frédérick Gravel. Malgré que ce ne soit pas la première fois que j'appréciais ses prestations, la dernière en date était dans "Solitudes duo" de Daniel Léveillée, c'est là juste devant elle que la révélation s'est faite et "La présence Lombardo" dans mon esprit s'est imposée.

Mes sorties plaisir pas du tout coupable:

Me rendre assister à une représentation de "Passerelle 840" (trois fois cette saison), pour découvrir. Oui, juste pour découvrir et apprécier. Un agréable apéritif de début de soirée à 18h00, juste avant de me diriger ailleurs. 

Mon moment fort de la saison:

Ma passage à CHOQ web radio avec la gang chaleureuse de Danscussions. Ma première fois à parler danse. Pour ceux et celles qui "l'ont raté". 

Voici le lien.http://www.choq.ca/emissions/danscussions

Fin d'année en vue, une nouvelle à l'horizon. Une fois 2016 débutée, je vous présenterai mon agenda du printemps. Pour ceux et celles qui auraient des propositions, n'hésitez pas à me les partager.