Ainsi donc, le grand jour est enfin arrivé ! Après que les responsables de l'Agora de la danse et de Tangente aient réussi avec patience et détermination leurs "douze travaux d'Hercule", le rideau s'est enfin levé sur la première représentation dans le Wilder. Privilégié, je suis muni d'une invitation pour m'y rendre pour découvrir en avant-première "Animal Triste" de Mélanie Demers. Mais pour cela, mes pas ont dû d'abord trouver la porte d'entrée de cet immeuble pas tout à fait terminé, rue de Bleury. Une fois cette étape accomplie, j'ai été bien dirigé, avec des sourires de retrouvaille fort généreux, vers le lieu d'acceuil, parce qu'un nouveau lieu peut avoir des allures de labyrinthe pour celui qui s'y rend pour la première fois. Pas difficile d'affirmer que ce lieu, une fois terminé, sera fort attrayant, parce que même "décoré" de matériaux de construction, il fait bonne mine.
Le moment venu, la salle ouvre ses portes tout en haut d'un escalier et nous arriverons donc par le haut pour choisir notre place. Quel plaisir de découvrir que n'importe quelle place choisie, l'inclinaison permettra de bien voir ce qui se passe sur scène et cela peu importe la dimension de la tête de la personne devant nous. À notre entrée, les quatre interprètes sont déjà là, sur les côtés dans l'ombre, nus et au fur et à mesure que la salle se remplit, ils revêtent leurs habits. La scène au milieu est entourée de projecteurs tout à terre avec leurs fils tout dispersés sur la scène. Le moment venu, question d'apporter un regard éclairé sur cet animal triste, les interprètes se mettent à prendre chacun de ces fils pour les amener à la prise, laissant la scène pour le combat intérieur de cet animal triste, mais selon moi surtout torturé. Chacun pourra en faire sa lecture, mais pour moi, c'est manifestement les guerres intestines de nos personnalités intérieures que les quatre interprètes (Marc Boivin, Francis Ducharme, Riley Sims et Chi Long) m'ont présentées avec une intensité remarquable. Cette pièce sombre, pessimiste, sans les artifices plus éclairants ou éclatants de la chorégraphe, nous pourrions la subir, si ce n'était de ces quatres interprètes qui la portent fort habilement. Ainsi donc, nous sommes faits de contradictions, d'aspects troubles et la domination de l'une de ses contradictions ne la fait pas victorieuse pour autant. Impossible de rester impassible lorsque Marc Boivin saisit Chi Lung par les cheveux sans qu'elle ne lui soit asservie.
Photo de Mathieu Doyon
La vie est cruelle et l'animal (ou l'être humain) triste et ce dernier pour y survivre devra concilier sa nature polymorphique et le choc de ses pulsions et pas question d'y échapper, comme sur cette scène sans échappatoires. Et pour nous le faire ressentir, la chorégraphe nous propose une dernière partie toute en lenteur et en finales répétées. Cette dernière partie, je dois l'avouer, sur le moment, m'avait laissé un peu dubitatif, mais le murissement de l'oeuvre en moi, m'en a donné une autre perspective.
D'autres l'ont dit et je suis d'accord, Mélanie Demers entreprend un changement de direction tout en restant constante dans sa vision du monde. Pour moi, c'est décidé, je prend son virage.
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