En première partie, allons donc découvrir, "Boxher" de Kimberley de Jong. Nous entrons dans la grande salle et nous découvrons une grande masse de déchet dans des sacs de plastiques transparents et "bien pleins" sur le côté droit de la scène et une console du côté gauche. Le temps passe, l'estrade se remplit et les lumières se font discrètes. Nous arrive des bruits de provenance inconnue qui peu à peu dévoileront leur origine, soit le "milieu" de cette masse de déchets. En ressort un être mi humain, mi animal dont le visage restera longtemps hors de notre champ de vision. Les gestes sont un amalgames d'agonie et de mutation. J'y vois les affres de la libération, mais aussi la lumière qui l'accompagne et l'affirmation "confrontante" qui en résulte. Tous les ingrédients qui grafignent mon, et qui sait, notre, comportement producteur de déchets. Et lorsqu'elle nous confronte, après avoir ressassé ce que nous laissons, comme déchets, derrière nous, impossible de rester impassible. Si la démarche proposée s'avère efficace, il faut en donner le crédit au "collaborateur sonore" Jason Sharp qui avec ses capteurs sur l'interprète fait résonner tout haut et efficacement la suite des mouvements.
Photo: Vanessa Fortin
Une oeuvre qui m'égratigne avec un message pertinent d'une trentaine de minutes riches des gestes et de ses résonances. et qui pour moi, me fait réfléchir sur mes habitudes de vie et de ce qu'elles laissent derrière.
Petite pause et je me dirige en bas pour découvrir, en lever de rideau" "Vivarium" de Lucy M. May, avec en arrière pensée, le conseil donné en début de soirée. J'entre dans la salle et j'y découvre de l'ombre, des accessoires par terre et des interprètes, Noémie Avidar qui les manipule, Paige Culley et Lucy M. May qui y évoluent ainsi que Patrick Conan qui en change la perspective lumineuse et musicale. Sans indications évidentes, je prends place au milieu de la place, question de tout voir. Je constate vite que je suis un obstacle du développement de cet écosystème. Je me replis donc, mais à cette position de repli, qui autant par sa position que par la nouvelle réception qui en résulte me rend inconfortable. Je vais donc à l'extérieur, au bar, le temps de retrouver mes repères et ma réceptivité de spectateur (une quinzaine de minutes pour les curieux) et je redescend. De retour, j'y trouve une place, ma place et c'est de là que la suite se déroulera jusqu'à la fin, à ma plus grande satisfaction. Le déploiement de cet écosystème est presque rendu à maturité et, malgré la semi-obscurité, j'en découvre le déploiement et les êtres qui l'habitent. J'y vois aussi la présence de spectateurs actifs (même un tout jeune enfant) qui y prennent leur place, sans que la compétition du territoire soit à l'ordre du jour.
Photo: Vanessa Fortin
Dans cette proposition hyperbolique qui nous montre le déploiement des objets dans les lieux et de leur repli, sans que l'on en saisisse toute l'ampleur (because notre perspective), pendant que des êtres, eux, y évoluent, impossible de ne pas faire le lien avec le destin de ce monde. Et aussi sur cet univers qui origine du Big Bang et qui pourrait finir sur un Big Crunch. Le sens de la vie et de notre présence sur cette planète, je l'ai ressenti fortement dans mon deuxième séjour dans le lieu. Je ne partage donc pas, la perspective de Mélanie Carpentier (Le Devoir 30 mars 2018 https://www.ledevoir.com/culture/danse/524138/a-nouveau-sauvage-nobles-dechets-et-dignes-especes) qui écrit que "Cette interaction entre les danseuses et la scénographie forgée en direct demeure pourtant opaque quant au sens qu’elle entend soulever.". Au contraire, tenons-nous compte de l'environnement, encore aujourd'hui, lorsque nous le piétinons de nos besoins ? Poser la question est y répondre et "Vivarium" pour autant que l'on soit attentif nous aide en ce sens.
Au final, une soirée riche par le questionnement, fort bien présenté que peuvent provoquer les deux oeuvres. Une soirée qui nous rappelle que nos pas laissent des traces et des déchets !