dimanche 25 novembre 2018

Sur mes pas au théâtre: "L'assemblée", pour mettre de l'avant le dialogue, tous ensemble !

Je revenais de ma soirée à l'Espace Go après avoir assisté à "L'Assemblée" d'Alex Ivanovici, Annabel Soutar et Brett Watson. Pendant que mes pas me ramenaient à la maison, ma tête elle, me "rewardait" aux souvenirs de ma lecture quelque fois répétée de "Huis Clos" de Jean-Paul Sartre. "L'enfer, c'est les autres" et aussi, l'enfer, c'est d'être contraint à cohabiter (ici sur la terre) et être soumis aux regards (et aux jugements) des autres.

                                               Tirée du site de l'Espace Go

Voilà ce qui résonnait dans ma tête, après avoir assisté à la plus récente proposition de la compagnie Porte Parole que j'avais découvert avec grand plaisir et satisfaction avec l'instructif  "J'aime Hydro", tellement bien porté par Christine Beaulieu.

Ainsi donc tout devant, en première rangée, j'étais fort curieux de découvrir leur plus récente création de théâtre documentaire sur le "vivre ensemble", tous "condamnés" à vivre sur cette planète Terre avec ou sans frontières. Ces lignes imaginaires totalement arbitraires dessinées par les "grands" de ce monde. À ce titre, les paroles d'une chanson ("Plus rien ne m'étonne") de Tiken Jah Fakoly, "Ils ont partagé Africa sans nous consulter, / Ils s'étonnent que nous soyons désunis !" explique bien pour l'Afrique et le reste du monde aussi, selon moi, le merdier idéologique et sociologique dans lequel nous nous retrouvons. Mais une fois dedans, quoi faire ?

Pour tenter d'aller de l'avant, constructivement et pragmatiquement, les solutions ne sont pas si nombreuses et n'ont rien de la formule magique ! La compagnie Porte-Parole, ose et nous propose les ingrédients essentiels, comme point de départ pour en trouver une. Cependant, soyez averti, si vous venez prendre place dans la salle avec vos préjugés et aussi vos attentes, peut-être serez-vous déçu de ne pas avoir trouvé la "recette" pour le bien "vivre ensemble" ! Il en reste que nous ne pourrons pas reprocher aux artisans de cette création de ne pas avoir voulu nous ouvrir des pistes de réflexion et d'action pour franchir ou contourner quelques obstacles et qui sait, atteindre, un jour, le but.

Sur cette scène, Alex Ivanovici et Brett Watson, accueillerons les incarnations (Pascale Bussières, Amélie Grenier, Norta Guerch et Christina Tannous) de quatre vraies femmes, toutes différentes, dans une rencontre en trois temps. Il y a d'abord les présentations de ces femmes qui nous permet de mieux comprendre ce qui suivra., Ensuite, après avoir écouté les propos assez intransigeants d'une cinquième femme, nous assisterons à la confrontation, suivie par l'établissement de certains compromis pour lui répondre. Le tout se conclura par le bilan de la rencontre de nos quatre protagonistes avec cet autre femme.

Entre le deuxième et le troisième temps, les créateurs de ce projet documentaire ont eu la brillante idée de laisser la parole au public présent qui, après une courte hésitation, l'a prise de façon respectueuse et intelligente. Signe des temps (?), ce sont surtout des jeunes femmes qui ont débuté les échanges et qui ont pris la parole. Encore en moi, résonne celle de cette dame âgée, une anglophone qui vit au Québec, qui nous rappelle que la richesse de sa vie (et de la nôtre) réside dans la rencontre et l'hybridation des cultures.

Le tout dure près de deux heures, mais passe très vite. Le rythme est rapide, gardant à l'affût notre attention autant sur les enjeux soulevés que sur les réactions, fort bien portées, des interprètes.

Au final, j'adhère totalement à la conviction des artisans, qui est de rassembler le plus souvent possible des femmes et des hommes de tout culture et opinion pour tenter de "lousser" les noeuds de la cohabitation et l'incompréhension. Ce chemin, il est vrai, est parsemé d'embûches et ce fera sous orages et avec sécheresse, mais c'est le seul qui a, selon moi, des chances de nous amener à la bonne destination. Merci à vous Porte-Parole et longue vie à "L'assemblée" !

jeudi 22 novembre 2018

Sur mes pas au théâtre: Le plaisir de "Perdre le contrôle"

Avec la compagnie "Absolu théâtre", ma première rencontre remonte à il y a plus de deux ans, grâce au Festival Fringe. Plus tard,grâce à une amie Intimiste (Vanessa Seiler), j'ai pu faire la rencontre de ses deux directrice et directeur artistiques, Véronick Raymond et Serge Mandeville. Depuis, je reste attentif à leurs propositions. Voilà donc pourquoi, mes pas m'ont amené jusqu'à la Maison de la Culture Maisonneuve pour assister à une de leurs soirées "Théâtre tout court, en série": "Perdre le contrôle", et cela, gratuitement !



Au programme, cinq courtes pièces d'une dizaine de minutes. Dans le feuillet de la soirée, les cinq oeuvres au programme, comme tout le reste d'ailleurs, est en minuscule. La raison nous est donnée à la toute fin de ce feuillet par un post scriptum, "on fait tellement court... qu'on a égaré les majuscules". Malgré tout, au final, je peux affirmer que la soirée,elle, n'a pas manqué d'envergure ! Et voici pourquoi.

De cette soirée avec cinq pièces, quatre auteur.e.s et trois interprètes, il en a résulté deux états, soit des rires et de la réflexion pour au final, un résultat, de la satisfaction. Mais allons y dans l'ordre.

D'abord avec "rachel (counting rita)" de Patrick Gabridge (avec Véronick Raymond et Vanessa Seiler), nous découvrons comment des "clics" de l'une font le déclic de l'autre. Une histoire d'amies qui prend une tournure surprenante.

Suit, ma pièce préférée de la soirée, "salle d'attente" de Serge Mandeville (avec Serge Mandeville, Véronick Raymond et Vanessa Seiler). Une salle d'attente qui nous réserve bien des surprises et surtout une belle leçon de vie et de mort!

Dans un tout autre registre, "f.o.m.o. (fear of missing out)" de et avec Véronick Raymond a tout du miroir pas trop déformant de nos dépendances technologiques.

"capitalisme sauvage" de et avec Véronick Raymond accompagnées sur scène par Serge Mandeville, nous présente le souper d'un couple dans l'air du temps capitaliste, souper qui prend une tournure imprévue pour lui, peut-être pour elle, mais tout à fait surprenante pour nous !

Enfin, la soirée se termine avec "l'échec de l'évolution" de Sarah Berthiaume avec Serge Mandeville et Véronick Raymond. Comment une sortie de couple dans un zoo nous fait découvrir les deux aspects de notre évolution et de celle d'un couple. Comment aussi, une crème glacée du futur, nous permet de confondre Jésus, Darwin et un singe !

Une soirée tout en courtes pièces, qui nous entraîne efficacement et agréablement d'une histoire à l'autre, avec des conclusions surprenantes habilement amenées.

Une soirée qui en appelle une autre, toute aussi gratuite, le mercredi 12 décembre prochain au même endroit.

vendredi 16 novembre 2018

Sur mes pas en danse: Captivé par "The Nutcracker" de Maria Kefirova

Lorsque je tente d'expliquer comment certains univers créatifs m'ont demandé du temps pour les apprivoiser et de donner des exemples, je pense assez vite à Maria Kefirova. Je me souviens encore et très viscéralement de mon départ "furax !!!" suite à la présentation de son "The Paradise". Par la suite à ma présence à "Studio libre" (mai 2016), je me souviens de ce que j'avais écrit, " Comme pour sa dernière présentation à Tangente, "The Paradise", je dois avouer que je suis resté quelque peu dubitatif devant ce qui m'a été présenté, même s'il y avait là, une prémisse intéressante. Quand même curieux d'en voir la suite prochaine ou lointaine, de cette exploration.". J'y détecte avec du recul, une ouverture, toute petite, mais réelle.

                             Photo de Maria Kefirova par Frederic Chais & Svetla Atanasova

Intéressant de noter mes réactions plutôt négatives face à ses propositions, fortement colorées d'éléments rationnels, moi le scientifique. Mais avec "The only reason I exist is you, also why dogs are successful on stage", toujours en 2016, le vent avait tourné et j'avais été séduit et surtout conquis par son univers cérébral, envoûtant (dans le sens de subjugant !). Le spectateur se répète, mais, c'est pour les bonnes raisons, "il faut apprendre à manger du brocoli" !

Ainsi donc, je me suis retrouvé dans le hall d'entrée, fort achalandé du Théâtre La Chapelle pour découvrir sa plus récente création, "The Nutcracker", dont j'avais découvert un très court et intrigant extrait lors de la présentation de la saison de ce lieu de présentation. "À ne pas manquer", que j'avais noté dans mon agenda.

Les portes de salle s'ouvrent devant moi et encore une fois, en première rangée, je prend place, fort curieux. Sur la scène devant moi, je n'y retrouve que quelques accessoires dont un haut-parleur et des micros. Le temps que la salle se fasse comble, nous arrive de l'arrière des estrades, Maria Kefirova, habillée de sa robe rouge et blanche et de sa tuque. Elle s'assoit dos à nous et pendant que nous attendons la suite, nous entendons le son de ses pulsations aux rythmes variables.

Et elle se lève ! Et ce son devient celui de son coeur qui pulse, comme aussi ses pas en résonance. Il s'en suit des tableaux avec une enregistreuse portative et micros qui deviennent une oeuvre abstraite, sinon absurde, mais tout à fait fascinante à découvrir. Quelque soit, la signification des ses mouvements, de ses déplacements, de ce qu'elle veut nous présenter, elle nous garde captif ! Et lorsqu'elle nous ordonne, "Don't look at me", je lui ai obéi sans broncher. 

Puis arriva le moment des "noix" (25 kilogrammes, selon le feuillet de la soirée !) , elles servent d'abord à situer le chemin parcouru de son corps sur la scène et en garder la mémoire. De ce long, mais néanmoins court et très intéressant moment, durant lequel, la scène se remplit de noix (de Grenoble), les gestes captivent. Mais de ces souvenirs, et de ces traces passées, que peut-on en faire ? Maria Kefirova, elle, nous en présente sa version. Comme pour faire une omelette, il faut casser des oeufs, les noix subiront le même sort, sous sa "botte" impitoyable déployée dans une danse colorée d'urgence, comme pour fuir et passer à autres choses. Ce qu'elle fera la tâche complétée.

"The Nutcracker" est définitivement, une oeuvre hors norme, abstraite et captivante. qui laisse une forte impression. Et qui pour moi, scelle définitivement la relation créateur-spectateur avec elle !

mercredi 14 novembre 2018

Sur mes pas en danse: "Ghost" pour me faire rêver é(mer)veillé !

Chers Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund (et tout le reste de votre gang de Tentacle Tribe,Victoria Mackensie, Mecdy Jean-Pierre, Marie-Reine Kabasha et Rahime Gay-Labbé), je veux vous dire merci. En cette soirée automnale froide et sombre, vous avez éveillé en moi le petit enfant pour le faire rêver réveillé, mais tellement bien qu'il fallait qu'il se pince pour qu'il y croit, parce que magique !
                                     Photo d'Alexandre Gilberttirée du site de Danse Danse

Et dans ce rêve, j'y ai vu des êtres qui évoluaient devant moi, en des formes toutes aussi polymorphiques que fantastiques. J'y ai vu aussi comment le souffle nourrissait et pouvait influencer le mouvement des autres. De ces gestes qui se propageaient, tel le mouvement des ondes de la lumière. Et comment aussi, des éclairages (Bravo Benoit Larivière !), pouvaient créer des illusions des gestes qui flottaient sur scène, comme le feraient des fantômes. Et aussi, comment, il est possible d'un geste de projeter la lumière vers les autres. De ces êtres qui là, juste devant moi changeaient de couleurs, de foncé à pâle. Des moments hors du temps qui m'ont amené dans des lieux fantastiques, enrobés de la trame musicale (Samuel Nadaï) desquels, j'ai eu peine à revenir. De ce difficile retour dans la réalité, je ne vous en veux pas, parce que des souvenirs (de ce rêve) accompagnent mes pas encore maintenant.

Et moi, il y a deux ans, je me demandais à la sortie de votre proposition "Fractals of you", "Après les pixels et les fractals, je suis bien curieux de savoir vers quels territoires poético-technologiques, ils nous amèneront dans le futur." Ce soir, j'ai eu une réponse qui me permet d'affirmer que les territoires poétiques que vous explorez sont fertiles et que vous les exploitez admirablement bien. Au plaisir et surtout dans l'espoir de vous redécouvrir bientôt.

mardi 13 novembre 2018

Sur mes pas en danse: Des rencontres toute différentes avec des femmes qui le sont aussi chez Tangente

La saison danse en est rendue en son coeur et c'est dans le coeur de deux univers féminins que nous avons plongé pour le programme double ( "Mula" de Ivanie Aubin-Malo et "&" du Collectif For Fauve) proposé par Tangente. Et mes pas n'étaient pas les seuls à s'y rendre parce que c'était salle comble en ce vendredi soir. au Wilder.

Pour découvrir "Mula", nous devrons d'abord nous déchausser et ensuite prendre place tout autour d'un cercle, assis par terre sur la scène et dans les premiers rangs de l'estrade. Pour ma part, cette rencontre, je la ferai assis tout proche, au même niveau de l'interprète déjà présente à notre entrée. Ce qui pour moi, sera une bonne décision, très bonne même. Parce que faire une rencontre, pour aller en profondeur, comme le dit le titre de l'oeuvre en langue malécite (peuple autochtone présent dans l'est du Québec et des Maritimes), la proximité me sera importante. Elle m'a permis d'en ressentir les vibrations toutes douces et sa présence. Elle propose des gestes répétitifs, qui m'ont amené dans un état de réception. Et lorsque les "points noirs" (lire ici les moments de noirceur), je pouvais laisser onduler en moi, les vibrations passées et les faire miennes. Utilisant tout l'espace, elle vient à notre rencontre au sens spirituel que je ressens fort bien. Une rencontre qui a tout de l'onde qui se propage alternativement du noir à la lumière devant nous et en nous, avec pour résultat de faire sortir de l'ombre un univers fort lumineux.
Une rencontre fort mémorable qui me fera garder précieusement en mémoire sa chorégraphe-interprète.

                                  Photo de Ivanie Aubin-Malo par Justine Latour tirée du site de Tangente

Revenu à notre réalité, nous devons quitter la salle, le temps de permettre à Marilyn Daoust et Laurie-Anne Langis (Collectif For Fauve) et toute leur gang de mettre en place le lieu de la prochaine rencontre avec le titre "&" qui promet des liens. À notre retour en salle, le lieu tout sombre que nous avons quitté, s'est métamorphosé, tout lumineux devenu, avec un toile blanche sur le plancher et couvrant tout l'arrière scène. Les deux interprètes sont déjà là et question d'établir le contact, l'une d'elle, tourne le syntonisateur d'un poste radio qui entre deux grincements permet d'entendre un faible contact avec un poste d'émission. La communication est difficile, mais la recherche se fait sans relâche, jusqu'au moment que le tout débute "pour vrai" !

                      Photo de Marilyn Daoust et Laurie-Anne Langis par Jules Bédard, tirée du site du Devoir

Ce qui suivra, "&" nous propose une première rencontre (avec Laurie-Anne Langis), une rencontre appuyée par une trame musicale puissante (un peu trop pour mes pauvres oreilles et qui a interféré avec ma réception). Il en reste que de cette femme m'a proposé son cheminement qui provenait de tout en dedans d'elle et que j'ai suivi. Un cheminement, rehaussé par ses ombres fortes projetées, qui s'est déplacé sur toute la scène. Un cheminement parsemé d'arrêt pour se transformer, tel un chemin de Damas vers un avenir qui semble s'annoncer tout différent.

Et puis "&", après un court moment de transition, se poursuit sur ton différent avec Marilyn Daoust. Dans son cas, les moments avaient plus l'allure d'une rencontre en deux temps avec son "elle" intérieur et avec son "elle" "extérieur.. Elle se livrera à nous avec forte intensité et sincérité. D'abord, avec une "marche" sur une ligne blanche qui a tout, à mes yeux, d'une ligne de vie, sur laquelle nous devons moduler, parfois à l'extrême, notre corps. Cette ligne blanche (du temps) tout inerte et neutre soit-elle souffre néanmoins de nos inconstances et se met à se moduler. De cette marche et comment la réussir ? Marilyn Daoust nous en présente sa version avec éclat et sincérité. Ouf !!!

La suite bascule dans une "plongée" au propre comme au figuré. Une plongée dans laquelle elle nous entraîne et qui me captive jusqu'à sa finale.

Une soirée forte de ses contrastes et qui me fait revenir à la maison avec plein de symboles en tête, des images aussi. Mais aussi avec une suggestions pour une autre version de "&" qui entrecroiserait, les deux parties pour mieux nous présenter les points communs de ces deux femmes.

dimanche 11 novembre 2018

Sur mes pas en danse: Retour sur ma soirée "Remix" tout à fait réussie au Studio 303

C'était, il y a un certain temps que mes pas m'avait amené jusqu'au Studio 303 et encore plus, pour assister à une de leur proposition annuelle, une soirée "Remix". Une soirée qui présente un concept fort intéressant qui mériterait d'être repris plus souvent. Une soirée qui présente d'abord, les extraits de deux oeuvres pour ensuite nous faire découvrir la version ou la vision "remixée" par un.e autre chorégraphe. La transposition ou la relecture d'une oeuvre ouvre des horizons insoupçonnés et en cette soirée "Remix", nous en verrons des exemples éloquents. Et le spectateur que je suis était d'autant plus curieux qu'au programme, il y avait une oeuvre que j'avais déjà vue, il y a près de trois ans ("Fuck it" de Catherine Lafleur) et qui sera remixée par une chorégraphe que j'apprécie beaucoup, soit Caroline Laurin-Beaucage. Aussi au programme, "Belle" de Sarah Manya qui sera "remixée" par Daina Ashbee.

                                          Fuck it! – Catherine Lafleur par Studiomelies

Me voilà donc dans le corridor à la porte du studio, une quinzaine de minutes avant et c'est assez "désert". Dix minutes avant le début annoncé, je prends place dans salle, à peu près vide, mais en moins de cinq minutes, toute comble sera-t-elle devenue. Et si comme moi, comblée à la toute fin, aussi, le deviendra-t-elle et voici pourquoi.

À notre entrée dans la salle, déjà présents, Émilie Morin et Mathieu Campeau, ce duo fait couple pour ce qui suivra, accompagnés par un matelas. Nous serons donc témoin de ce matelas qui se tourne et se retourne sans cesse, faisant échouer lourdement les deux interprètes qui malgré tout se relèvent et poursuivent. Comme si le choc des choses n'apportaient pas de leçons et que la vie se poursuit, et doit se poursuivre.

Arrive le moment où les lumières dans la salle se font discrètes et, peu à peu, les corps se déphasent, légèrement d'abord et beaucoup plus par la suite, mais le matelas lui poursuit ses rotations. Comme si la vie de ce couple que j'y vois, avec du sable dans l'engrenage, se détraquait et passait du "un plus un" à du "un moins un", jusqu'à la confrontation des corps, ouf !!! Si mes souvenirs ont des "trous" sur ce que j'avais vu il y a presque trois ans, ce que j'ai ressenti à l'époque, a de nouveau résonné fort en moi. Il me semble que cette oeuvre mériterait à être vue et revue pour la réflexion qu'elle peut apporter. (Avis aux diffuseurs, en cette semaine du CINARS !).

Mais son Remix attendra, malgré que le spectateur est bien curieux et impatient. Parce que ensuite nous est proposé l'original de "Belle" qui se présente à nous sous les traits d'une jeune femme (Catherine Wilson) avec son attirail vestimentaire fort coloré de femme qui veut séduire, à tout prix. Et dans les moments qui suivront, elle utilisera de gestes et de propos siliconés, pour arriver à ses fins. Aucun stéréotype n'est laissé de côté et chacun, nous sont proposés fort intensément et habilement. À ce point, que pour ma part, j'en suis dérangé. Et soulagé de voir se terminer ce moment de rencontre avec une réalité qui, décidément, ne me plait pas, mais pas du tout. Cependant, pour avoir su me rejoindre autant, mes applaudissements sont bien mérités.

Le temps très court de mettre une toile, le Remix de "Fuck it", encore incarné par les mêmes interprètes (avec des vêtements couleurs vert et brun-beige que j'associe à la chorégraphe) se présente à nous. Un "Fuck it", en entrée de jeu plus frontal, mais aussi surtout plus verbal. Comme si les bouches à l'unisson, répétant le titre de l'oeuvre, voulait repousser la routine en la répétant et la répétant et la répétant, décliné tout en gestes. Et arrive son déphasage chorégraphique, coloré des traces gestuelles de l'original jusqu'à sa chute. Une autre belle façon, selon moi, de voir l'évolution d'un couple. Un Remix dont on peut dire "mission accomplie !".

Une autre très courte pause qui nous amène au Remix de "Belle" tout à fait différent, signée Daina Ashbee. Un Remix  qui a tout du négatif photographique, d'autant que cette femme (Catherine Wilson) se présente à nous, tout de noir vêtue. Et avec son attitude fort discrète contrastant fortement avec la version originale. Il s'en suit une série de courts "longs" tableaux qui nous la présente d'abord immobile pour ensuite évoluer vers différents mouvements ondulatoires qui deviennent pour moi hypnotiques. Comme une façon toute différente de me séduire et me faire succomber. La technique de séduction, "made Daina Ashbee", a tout du charmeur de cobra qui tente de me faire succomber. Et dans mon cas, ça fonctionne très bien. Elle nous propose sa vision (que j'aime toujours) d'être "Belle", soit de montrer comment le corps en apparence docile et asservi pour nous dominer. Et lorsque son regard se dirige droit vers moi, dans mes yeux, je succombe. De ces deux versions de "Belle", j'en retiens le contraste qui mis côté à côte, nous présente le docteur Jekyll en noir et blanc.

J'en reviens fort satisfait, parce que de ces types de rencontre, j'en redemande, peu importe la façon qu'elles me touchent, parce qu'elle provoque en moi des sensations fortes.

Merci donc aux responsables du Studio 303 de nous proposer ce type de rencontres, soit celles d'abord entre deux chorégraphes et ensuite avec nous.





dimanche 4 novembre 2018

Sur mes pas en danse: Une soirée particulière avec la compagnie Gauthier Dance.

À cette soirée danse avec Danse Danse, je m'y rendais les yeux fermés, ou dit autrement, sans vraiment savoir ou avoir lu ce que j'y découvrirais. Une des rares fois que mes pas m'amènent à un "blind date" chorégraphique. C'est donc de mon siège première rangée dans le Théâtre Maisonneuve que je découvrirai cette soirée qui débute de façon inhabituelle. Parce qu'une fois les avertissements d'usage terminés, nous arrive de derrière les rideaux, Eric Gauthier, maître d'oeuvre de la soirée qui vient se présenter à nous et aussi présenter le programme qu'il a concocté pour "sa" première fois à Montréal, son alma mater qu'il a quitté il y a 22 ans. Parce que voyez-vous, pour suivre sa passion à danser, il a quitté sa terre natale pour danser en Allemagne et ensuite "fonder" sa compagnie, la "Dance Company Theaterhaus Stuttgart. Je dois avouer que c'est une première pour moi qu'un "personnage si important" se présente devant moi avec autant de candeur et de simplicité. Ma première impression est fort positive.



Il quitte et les rideaux s'ouvrent pour nous présenter d'abord "Beating" de Virginie Brunelle. De cette chorégraphe dont j'ai vu "à peu près tout, j'ai reconnu la signature particulière de cette chorégraphe dans cette oeuvre. De ces corps qui se déplacent et qui se rencontrent, j'ai vu et, surtout, j'ai senti leurs coeurs qui battent. De beaux moments, mais il en reste que cela me faisait "tout drôle" de voir les gestes de Virginie faits par d'autres interprètes que ceux de sa Compagnie et que j'ai appris à apprécier toutes ces dernières années. Dans ce tableau, la nature viscérale de relations humaines se ressentent fort bien et nous facilement droit au coeur !

Eric Gauthier nous avait averti, mais Helena Waldmann dans "We love horses" m'a déstabilisé, heurté même, par son propos dans lequel la domination "domine" ! Si je n'ai rien à reprocher au décliné chorégraphique tout exagéré soit-il, il en reste que le propos lui m'a déplu "souverainement". De ces coups de fouet, dont les ondulations se rendaient jusqu'à moi et qui rythmaient les corps et les dominaient aussi, moi, j'y voyais la violence et les atrocités vécues par bon nombre d'homme, de femmes et d'enfants sur notre globe. Madame Waldmann, j'ai bien lu après (dans le feuillet de la soirée) votre intention, mais ainsi présenté, elle ne m'a pas rejoint !

Après un très court arrêt, nous avons droit à un 180 degrés chorégraphique avec "Infant Spirit" de Marco Goecke. Comme Pina Bausch, originaire de la même ville que lui, il nous propose une rencontre tout aussi théâtrale que chorégraphique. Ce personnage (incarné par Rosario Guerra) aux gestes fort bien montrés, j'y verrai, de ma première rangée, aussi la sueur de de l'effort et de l'émotion. Et de cette première rangée, cette rencontre a été une réussite.

Et le tout se terminait avec "Electric Life" d'Eric Gauthier et Andonis Foniadakis qui se voulait un hommage à Louise Lecavalier. Cette dernière a été pour lui (Eric Gauthier) lors de sa "première rencontre", "une expérience électrisante". Mais la question fondamentale, peut-on présenter une oeuvre proche de Louise Lecavalier avec les gestes de Louise Lecavalier, même en hommage, qui soit de la même intensité que l'original? Je dois avouer que pour la première partie de cette oeuvre, je réponds non. Non pas que les deux interprètes, ne s'investissent pas totalement, mais difficile de résister à la comparaison. Et comme pour Icare, vouloir se rapprocher trop proche "du soleil", cela peut brûler les ailes, Pour la deuxième partie, cependant, l'utilisation des projecteurs mobiles sur la scène m'a tout à fait imaginer être dans une "Electric life" ! Une fin de soirée fort bien réussie.

Au final, une soirée intéressante, qui permet au spectateur de se positionner face à la diversité des propos mis sur scène et aussi qui m'a permis de faire la rencontre d'un directeur artistique et chorégraphe d'ici, rayonnant ailleurs qui s'avère tout autant sympathique qu'accessible !


vendredi 2 novembre 2018

Sur mes pas à la radio: Mon point de vue de spectateur face à "Fléau" d'Alex Huot et Dave St-Pierre

Pour ma chronique du 2 novembre à "Danscussions & CO" sur CHOQ.CA, je partageais mon expérience de spectateur suite à ma présence à "Fléau" d'Alex Huot et Dave St-Pierre. Un témoignage court, j'en conviens, mais, qui au final indique bien, ce que cette expérience fût pour moi. Je vous le redonne ici.

                                          Photo d'Alex Huot

Mais, je voudrais revenir sur ma sortie à l’Usine C dans le cadre du Festival Actoral, pour assister à « Fléau », une œuvre de cinq heures d’Alex Huot et Dave St-Pierre. Comment arriver à aborder ce type d’œuvre avec vous ? Et bien, entre autres, en mettant mes espadrilles, partir courir et revenir 15 kilomètres plus tard pour me permettre d’aller au bout de ma réflexion. Parce que voyez-vous, si cette œuvre m’a demandé d’y mettre temps et quelques efforts pour la découvrir, elle mérite aussi du temps et des efforts pour murir mon propos.


Quiconque suit les pas sur scène de Dave St-Pierre seul d’abord et ensuite avec son complice Alex Huot, sait que le temps est un paramètre fort élastique qu’ils aiment étirer jusqu’à la limite pour magnifier la force du symbole et l’esthétique du moment. Je me souviens encore très bien du propos de Dave St-Pierre avant la présentation d’une ébauche de création dans une Maison de la Culture qui revendiquait le droit aux créateurs de prendre le temps quitte à faire démissionner certains, sinon même la majorité des spectateurs, avant le début des vraies choses. Je me rappelle aussi, de « La Pornographie des âmes » et « Un peu de tendresse, bordel de merde » qui me demandaient de ressentir jusqu’à la limite, ma limite, le malaise devant différents tableaux. Peut-être maso le spectateur, peut-être pas, qui sait ! Mais il y trouve son compte et revient.

Voilà donc pourquoi, je me retrouvais au début d’une très longue file d’attente pour découvrir « Fléau » et ses épisodes de vie déclinés en 5 heures. J’étais averti, « Les spectateurs s’attendent beaucoup à répondre à certains types de codes, et à ce qu’un spectacle réponde à certains types de codes. On devrait avoir le droit de les briser. C’est pour ça qu’on fait Fléau. » dixit Alex Huot et que j’avais pu lire dans le Devoir. Mais ceux et celles autour de moi qui rempliront « full » la grande salle de l’Usine C, que viennent-ils chercher ? Ce groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes dans la vingtaine, cette femme avec sa grosse valise qui lui sert de sacoche (merci Catherine Lalonde pour l’info !) ou ce spectateur derrière moi qui me disait que c’était une première fois pour lui, pourquoi font-ils la file avec moi ? Je ne saurais dire.

Et moi, qu’est-ce que je viens chercher ici ? La réponse "expérientielle" n’est pas simple, peut-être même pas traduisible en mots. Mais je tente le coup. Tout au long, les différents tableaux riches en symboles et intenses de leur intensité qui perduraient sans trop d’enrobage, m’ont forcé à lâcher prise et ouvrir ma conscience, comme l’aurait fait un sauna avec les pores de ma peau. Cette façon de m’interpeller, de me bousculer et de m’amener dans un état d’inconfort, de déséquilibre, moi, je trouve cela important, sinon essentiel pour mon propre équilibre. C’est comme si je cannibalisais leur intimité, réelle ou imaginée, pour m’en nourrir.

« Fléau » a donc été pour moi, une rencontre humaine inconfortable et troublante, mais forte et essentielle.

Sur mes pas en danse: Une très belle soirée de danse forte de sa diversité féminine chez Tangente.

De cette soirée danse, j'en avais eu quelques aperçus et de bons "feelings". De "Summertime" de Marie-Pier Laforge-Bourret, j'en avais vu une première mouture à "Danses Buisonnières" l'an dernier et de "Unbodied" de Lakesshia Pierre-Colon qui nous en avait parlé à l'émission "Danscussions & CO". Mais, qu'en sera-t-il à l'Espace Vert du Wilder, une fois assis sur mon siège en première rangée ?
Pas question de vous faire languir, cette soirée m'a tout à fait satisfait, mais surtout touché, fortement même et voici pourquoi !

En première partie, "Summertime" de Marie-Pier Laforge-Bourret nous présente deux étapes dans la vie de cette jeune femme (bien et intensément incarnée par Natacha Viau). De cette nuit toute sombre, nous la voyons émerger pour la découvrir dans le monde de ses rêves, rempli d'angoisses face au monde réel qui se présente devant elle. Pour ce faire, elle navigue entre l'ombre et la lumière, tout cela accompagnée par un trio de musiciennes, Maggie Ayotte, Florence Garneau et Émilou Johnson  (un des points forts de cette oeuvre) qui sont d'abord dans l'ombre à l'arrière de la scène pour se révéler à nous peu à peu. De cette musique qui habille le propos de façon fort adéquate.

                                         Photo de "Summertime" par Marc-André Riel

Mais une fois réveillée dans son carré de lumière, la vie ne s'avère pas "un jardin de roses" et c'est tout en angoisse et fébrilité qu'elle se poursuit. Et cela, je le ressent fort bien. "Comment la mémoire sculpte-t-elle le corps" nous annonce la chorégraphe et d'affecter le parcours de ce corps, serais-je tenté d'ajouter. Et ce corps nous le montre fort bien ! Et cela m'a rejoint.

Et le corps le montrera aussi, de la façon de porter les stigmates de la violence vécue avec "Regression" de et avec Hoor Malas. À moins que l'on soit tout à fait insensible au sort des femmes et des hommes, des enfants aussi, en Syrie, ce que nous présente Hoor Malas touche et ébranle. Sa physionomie et ses mouvements durant ces trop courtes, mais intenses dizaine de minutes le montrent bien. J'ai été particulièrement touché par les moments durant lesquels, elle se retrouve dos au mur tout au fond, sans issue! Et lorsqu'elle se présente tout juste devant moi, il m'aurait fallu presque rien, pour que je me lève et que j'aille à sa rencontre pour la réconforter. Tout au long de ses déplacements, j'ai ressenti les stigmates de celle qui revient de loin. Et de son départ (de la scène), d'espoir en l'avenir fort empli.

                                         Photo de "Regression" par Hubert Lankes

Après une pause, fort opportune, "Unbodied" de Lakesshia Pierre-Colon se présente à moi. D'abord sous le projecteur fort particulier (gracieuseté de Benoit Larivière) pour sa prise en contrôle de la place et de mon attention. De ce qui a suivi, j'y ai vu sa mise au monde et de sa détermination (plus que de la force, comme elle l'avait mentionné) face à l'adversité qui se présente à elle. De ses déplacements, aussi j'en retiens l'importance des éclairages qui "m'éclaire" sur son parcours tout en contrastes. Une autre rencontre qui laisse de profondes traces.

                                                     Photo de "Unbodied" par Vanessa Fortin

Si mes pas m'ont amené plein d'espoir jusqu'au Wilder découvrir des univers, en cette soirée pluvieux et tristounet d'automne, j'en reviens illuminé de ces propositions féminines fort lumineuses. Et cela, ça me fait grand bien. Merci mesdames !