Comme bien d'autres, mes billets pour les spectacles de Danse-Danse, je me les procure bien à l'avance, parfois même un an. Vous savez peut-être déjà qu'en danse, il est impossible d'utiliser le buzz des premières représentations pour se décider, parce que "trois petits tours et puis s'en vont". Voilà ce qui décrit le mieux la courte durée de présentation d'une oeuvre et qui ne laisse pas une grande marge de manoeuvre avec l'agenda.
Donc, je fais confiance au diffuseur, dont Danse-Danse et cette confiance, elle va jusqu'à leur "Carte blanche" lorsqu'il programme une oeuvre pas encore créée, à mes risques et périls de spectateur. Ainsi en est le monde de la danse qui habituellement ne fait pas ou si rarement de vague dans le "grand public". Mais une fois ne fait pas coutume et cette fois, elle a droit, pour quelques jours à une visibilité inhabituelle, même jusqu'à des connaissances qui me demandait de les éclairer. Une première qui fait "fuir" des spectateurs de la première et qui provoque des critiques dans les média globalement négatives. La vague est lancée.
Pour la petite histoire et mettre les choses dans leurs justes perspectives, c'était il y a un peu moins de trois ans, même salle, même diffuseur et même comportement de certains spectateurs (soit leur départ avant la fin). Voici un extrait de la critique de Frédérique Doyon, parue dans le Devoir (le 16 avril 2014) sur "The land of fuck (a fable)".
"Dans le dernier quart, à nouveau en groupe, en petites danses atomisées, le Dietrich Group décline bien les différents sens du mot fuck, d’un ébat simulé au cri du désaxé en passant par le je-m’en-foutisme… Mais à la fin, à force d’aligner les clichés, la pièce se fout aussi et surtout des spectateurs, d’ailleurs nombreux à sortir. Agacés ? Bousculés ? Probablement simplement ennuyés…"
Un exemple parmi certains autres, pour les fois pour lesquels j'étais dans la salle. Une autre fois, c'était du buto par un maître venu du Japon, pourtant, toujours dans la même Cinquième Salle. C'est donc dire que la danse contemporaine, peut à l'occasion "surprendre" et faire lever du siège le spectateur moins résillent devant la découverte et la différence. Donc de ma perspective, rien de nouveau sous le soleil. Alors pourquoi tout ce boucan ?
D'abord, parce qu'il met en scène un de nos chorégraphes "phares" du Québec, Dave St-Pierre, le maître, selon moi, des coups de gueule et un diffuseur, Danse Danse qui travaille fort pour présenter de grandes oeuvres (et remplir les salles). Aussi, parce que dans un passé pas si lointain, le chorégraphe a annoncé tout haut qu'il ne présenterait plus de créations au Québec, à moins que l'on sorte le cash. Il semble que l'offre de Danse Danse pour une Carte Blanche ait suffit et, avec ses collaborateurs, il s'est mis à la tâche. Je le soupçonne d'avoir quelque peu profité de la situation. Je souligne ici, le mot soupçonne parce que la pensée humaine est insondable et surtout très variable.
Donc, le grand moment arrive avec une affiche "fichtrement" belle et quiconque a vu au moins une de ses oeuvres, sait que l'homme s'y connait en esthétique, mais pas seulement évidemment. J'ai encore plusieurs de ses tableaux en tête, des années plus tard, dont le dernier, époustouflant, de "Un peu de tendresse, bordel de merde" ou celui qui avec une simple table et une toile de plastique, il nous présentait son cheminement d'avant et d'après son opération, très touchant et très touché donc. Mais, je me rappelle aussi, les paroles qu'il avait prononcées (à la Maison de culture Frontenac pour une pré-présentation d'une oeuvre qui n'a jamais vu le jour, à ma connaissance) à propos d'un créateur qu'il admirait et qui avait exercé la patience des spectateurs jusqu'à une limite ultime avant que le vrai spectacle commence.
Donc quiconque, spectateurs comme diffuseurs, qui le suit comme moi, devrait savoir. Donc, abonnés de Danse-Danse ou non, se procurer un billet de Dave St-Pierre, peu importe l'affiche, amène en zone inconnue, mais aussi "explosive". De la perspective du chorégraphe et je la partage, c'est pour le meilleur pour le pire que l'on vient assister à ses créations.
J'étais donc bien assis sur mon siège pour la deuxième représentation, bien curieux. Une fois arrivé le moment de débuter la présentation, le chorégraphe se présente devant nous et se met à nous parler, d'abord sans texte préparé et ensuite à la lecture d'un texte disponible à tous mais pas très visible à l'accueil (dont je m'en suis procuré une copie). Ce que j'en retiens, c'est l'ambiguité du propos. En effet, si tu veux faire à ta tête, tu devrais "t'en foutre" des autres, mais royalement, sans avoir avoir à te justifier. Mais ce n'est pas ma perception de son discours qui a des volutes de justification. Dave St-Pierre, pour le meilleur ou pour le pire, ainsi soit-il, mais je lui conseillerai de laisser parler ses oeuvres, beaucoup plus éloquentes selon moi.
Pour cette oeuvre, il a laissé tomber son intérêt pour le quatrième mur, qu'il aimait franchir, mais le besoin de créer le sentiment d'inconfort, lui reste bien présent, mais autrement. Par l'intensité de la trame sonore ou la présence sur scène d'éléments à priori peu artistiquement pertinents (l'enfant et son chien), il cherche à nous déstabiliser, mais ses "fidèles spectateurs", nombreux dans la salle, le seront-ils ? Les quelques connaissances rencontrées après la représentation ont bien "survécu" et ce sans amertume, ni arrière goût.
Pour ma part, il réussit, pour peu que l'on se donne la peine, à nous proposer de façon grossière et intense, j'en conviens, des images fortes et intenses qui étire le moment jusqu'à le rendre intolérable pour nous. Jeanne d'Arc est un symbole fort qui est utilisé pour illustrer que nos erreurs nous les répétons sans cesse, encore et toujours "pognés dans la machine à Pepsi" et que les héros ou les symboles ont la vie dure.
Au final, une soirée mi figue, mi raisin. Parce que j'ai été tout à fait ébloui par les projections vidéo "trash" qui visaient juste et fort, mais moins par les tableaux chorégraphiques moins forts esthétiquement que j'espérais du chorégraphe. Anne Le Beau a bien investi son rôle avec l'intensité que lui connaît, mais la trame narrative se faisait trop discontinue, selon moi.
En conclusion, à Danse Danse, je retournerai et à Dave St-Pierre aussi. Et il semble que la phrase du moment soit "qui m'aime, me "Suie", pour le meilleur ou pour le pire".
Aucun commentaire:
Publier un commentaire