Difficile pour moi de ne pas constater que Martin Faucher et les gens du FTA ont encore visé juste sur les enjeux actuels avec la programmation de cette édition. Tout comme en 2012, en plein printemps érable, je m'en souviens encore la programmation était en "parfaite harmonie" avec cette époque de revendications étudiantes. Cette année encore, mon début de FTA était de cette mouture. Pendant que se poursuivait l'enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan et de la découverte des corps de 215 jeunes autochtones sur le site d'un pensionnat à Kamloops, mes pas m'amenaient jusqu'au Jardin du Musée d'art contemporain de Montréal pour découvrir la plus récente création de Lara Kramer, "Them Voices".
Avec en tête la description du FTA de ce que j'allais découvrir, "la chorégraphe explore la relation entre son corps et la mémoire et questionne l’incidence de nos actions passées et présentes sur les ancêtres du futur.", je prends place sur mon siège. Le début de soirée est tiède sinon frais et devant moi se trouve un espace scénique tout en longueur avec en son milieu, un monticule sur lequel se retrouve une femme étendue immobile, la tête sous une bâche. Ce temps d'attente me permet d'observer les lieux et je constate sur le mur derrière, des plantes grimpantes qui s'accrochent pour monter ! Ce qui pour moi a toutes les allures des démarches actuelles des différentes populations autochtones dans un monde qui leur donne peu de prises. Une fois les 25 places occupées, un son, un grondement je serais tenté de penser, prend possession de mon attention et cette femme (Lara Kramer) commence à bouger. Rien ne semble facile pour elle et elle commence à occuper le lieu et accaparer mon attention. Malgré le soleil qui se fait de plus en plus bas comme le mercure du thermomètre, la fraîcheur du moment ne perturbe pas mon attention. Elle évolue dans cet espace en effectuant des gestes qui parfois échappe à mon interprétation, mais avec d'autres qui me sont fort éloquents. Quand elle prend sa truelle pour récupérer sur la toile de plastique, les traces de terre, réelles ou non, comme les identités de son peuple en territoires urbains. Celui aussi durant lequel, un sac de terre est mis devant, ouvert d'un coup de truelle, comme si elle tentait de recréer son monde de là-bas ici, mais sans grand succès, à en juger de sa réaction.
Pendant toute l'heure, elle présente devant moi et je le ressens bien, ce qu'elle indiquait, soit "Le mouvement instinctif et la découverte de mon environnement immédiat sont des moteurs puissants de cette pièce". Depuis ma première rencontre avec elle, 2016, dans le hall d'entrée de l'Université Concordia en toute anonymat suivie dans les jours qui ont suivi d'une de ces oeuvres, "Native Syndrome Girl", je découvre "ses pas" qui me captivent à chaque fois. En revenant chez moi, cette rencontre continue à résonner en moi et me fait voir avec encore plus d'empathie ces "habitants de la rue" que je rencontre au retour au coin de la rue.
Le lendemain, c'est vers la Maison Théâtre que mes pas me portent, pour découvrir "Aalaapi" du Collectif Aalaapi selon l'idée originale Laurence Dauphinais et Marie-Laurence Rancourt. Cette proposition est décrite sur le site du FTA comme "de précieux tressaillements de la vie au nord du 55e parallèle. Plongée contemplative dans l’intimité d’une génération de jeunes femmes inuites, Aalaapi révèle le Nord par le truchement de la radio." Installé dans cette grande salle, isolé sur mon siège, "loin" des autres, le tout commence. Après un petit cérémonial d'accueil, les moments qui suivent nous présentent le quotidien avec un visuel simple soit deux fenêtres qui nous permettent, lorsque les rideaux sont ouverts, de voir un intérieur qui ressemble à une cuisine. Et dans ce monde tout au nord, la radio est un lien de communication qui unit et c'est ce que nous découvrirons par la suite. Les propos sont diversifiés, couvrant différents aspects de la vie quotidienne et qui me permettent de prendre conscience d'une réalité fort différente de la mienne. "Le défi était d’arriver à créer une rencontre entre le public et elles pour favoriser un relâchement et une précieuse disponibilité" et ce défi est relevé selon moi. Si je me fie à la discussion d'après-représentation, nous étions nombreux avec la même perspective. À défaut, d'aller tout au nord, "Aalaapi" nous y amène autrement avec une touche humoristique surprenante vers la fin et une marque d'ouverture à la toute fin. Si un jour, on m'avait dit que la radio prendrait une place importante lorsque j'irais à une présentation du FTA, j'aurais été fort dubitatif et pourtant ! Et de ce type de rencontre "intime", j'en veux d'autres !
Durant mon retour à la maison, je met la radio et signe du destin, est présentée une chanson d'une auteure-compositrice-interprète inuite, Riit. Une belle découverte qui m'a permis de maintenir le lien avec ce que je venais de voir et d'entendre. Et je compte bien continuer à explorer cet univers musical !
Ma troisième rencontre avec une proposition du FTA a été elle, d'une toute autre nature, soit la mise en lecture de Martin Faucher de "La fille de Christophe Colomb", roman de Réjean Ducharme par Markita Boies. Je l'avoue humblement, je n'ai jamais lu jusqu'au bout une oeuvre de cet auteur. Mais là, devant mon écran, je me suis laissé aller sur les mots décrivant les péripéties "surprenantes" et captivantes de cette héroïne. Les présentations en webdiffusion sont, je pense, une initiative fort prometteuse pour l'avenir !
Au final, des premiers pas très bien réussis et qui se poursuivront dans les prochains jours.