mercredi 9 décembre 2020

Sur mes pas (virtuels) aux "42,2 km de poésie" du département de danse de l'UQAM.

 La proposition était audacieuse, exigeante, mais surtout incontournable pour l'amateur de danse que je suis. Et quelle est donc cette proposition, me demanderez-vous ! Dans le cadre de leur cours d'improvisation donné par Caroline Laurin-Beaucage, onze étudiantes de deuxième année du programme de Danse de l'UQAM devaient présenter à tour de rôle un solo improvisé d'une trentaine minutes dans le cube, élément si cher à cette enseignante-chorégraphe et interprète. Faites le calcul et vous comprendrez que le tout durera près de cinq heures trente de 15h00 à 20h30, sans pause annoncée et il en aura pas ! 

Donc bien installé devant mon écran, j'attends que le marathon débute. "À l'ouverture des portes", nous sommes accueillis par la "prof" qui met la table fort poétiquement à ce qui suivra et d'une indication fort importante. Les interprètes performeront dans le silence pendant que de notre côté, nous entendrons la trame musicale et sonore, tel un bilan de fin de session, qu'elles ont préparée pour leur prestation qui est leur examen final. Au programme, dans l'ordre viendront Morgane Guillou, Cyrielle Rongier, Julia Smith, Noah Bride, Anaïs Levert-Beaulieu, Daphnée Sanscartier, Oksanna Caufriez, Mélia Boivin, Rozenn Lecomte, Margot Carpentier et Ariane Levasseur.

Tout en sobriété, nous arrive d'abord Morgane Guillou qui enlève son couvre visage, comme toutes les autres par la suite. Elle prend place dans le cube géant dans une pièce toute somptueuse. Impossible pour moi de rester indifférent en découvrant la Salle des Boiseries qui, il me semble, a dû être dans une "vie passée", une sacristie. Mais assez vite mon attention revient sur les gestes qui me sont proposés et de ses "confidences" sur ses pas improvisés dans des lieux extérieurs, comme ceux dans le Parc Lafontaine. Au cours de la prestation, j'ai senti qu'elle nous a présenté une exploration en elle avec un retour au départ avant de s'envoler et d'être libérée de quitter le cube pour laisser sa place à la suivante.

Pour toutes les autres qui suivront, malgré ma connexion parfois saccadée, je retiens une image, une impression, de la musique, des paroles empreintes de sagesse, mais surtout des mouvements captés par des caméras latérales ou du plafond. 

Pause perceptuelle

Tout au long de la présentation, combien de fois je me suis fait la remarque intérieure que ce territoire à explorer semblait beaucoup plus grand de côté que de tout en haut. Comme si dans la réalité, la perspective influence notre perception !

Fin de la pause perceptuelle

De Cyrielle Rongier, je retiens surtout une phrase, "une erreur est une occasion" et de ces moments de parfaite harmonie entre la musique et le propos chorégraphique.

De Julia Smith, tout au long de son parcours dans le métro sur la ligne verte, danser c'est comme écrire en roman.  Et son combat pour danser avec son corps plutôt qu'avec sa tête. Si j'étais un danseur, il me semble que je serais comme elle avec ses réflexions, ses questionnements et son intérêt pour les mathématiques.

De Noah Bride, je retiens les mouvements empreints de quiétude, de ses questionnements sur ses mouvements de bras, de la portée de son regard, mais surtout de son expression, "un danseur est un guerrier de Dieu". 

De Anaïs Levert-Beaulieu et de ses premiers mots sur petit juge extérieur, je m'y suis retrouvé. De sa danse, "danse douleur, et de son passage du neutre. Cette pause qui a tout de l'incertitude qui pourra, "dans ta bulle" cristalliser la création et de l'acceptation de soi et du mal. 

De Daphnée Sanscartier, "la ballerine du groupe" j'en retiens surtout les "pointes" bien exprimées, la notion du temps différemment décliné selon le point de vue (de myope comme moi!), de sa relativité, le choix des mouvements à faire mais surtout de son choix musical avec le groupe Queen qui donne une texture particulière aux mouvements présentés !

De Oksanna Caufriez, "face au regard de l'autre, tout peut advenir", mais aussi des difficultés de le faire dans un lieu extérieur. La musique et du son de ce carillon fort mélodique qu'elle me propose me portait tout comme ses gestes, moi, l'oeil d'un étranger pour elle !

De Mélia Boivin, j'en retiens que je devrais faire comme elle, soit mettre "mes pensées en mineur" pour pouvoir mieux aborder la situation sans trop réfléchir. Parce que comme elle, il faudrait pas que je réfléchisse trop et que je respire et qu'il "faut que je me confronte à mon monologue interne" ! Et que je l'affronte comme elle en gestes et mouvements victorieux !

De Rozenn Lecomte, (que j'avais découvert lors de la dernière Passerelle 840), j'ai été interpellé par ses interrogations, dont "être vue ou pas" ou te faire si discrète. Quand tu fais une formation en danse, il me semble que cela demande du courage pour sortir de l'ombre et faire face aux regards des autres ! Et parlant de regard, comment rester insensible face au sien et des gestes qui l'accompagne. 

De Margot Carpentier, j'ai bien pris note que l'on pouvait profiter des zones d'opportunité dans des lieux inhabituels, la force du regard des autres et le dévoilement apprivoisé dans l'improvisation en danse . Et j'ai "craqué" pour son choix musical, avec "Experience de Ludovico Einaudi et surtout de cette chanson qui m'a complètement charmé et captivé, "Yalla Tnam Nada" de Bachar Mar-Khalifé, interprétée par Golshifteh Farahani (merci Caroline pour l'info !) durant laquelle j'ai ressenti la lente affirmation face à l'adversité. Voici le lien pour écouter cette chanson si forte, (https://www.youtube.com/watch?v=57w_ItdZqNM ) que je écoute et réécoute en boucle depuis !

Le tout se termine, près de cinq heures plus tard, avec Ariane Levasseur qui m'avait fortement impressionné par le propos porté par sa voix et ses mouvements (avec "pétrichor") lors de la Passerelle 840. "Chu ben petite" nous confie-t-elle en entrée de jeu, mais la suite me montre que cette affirmation recèle des zones d'ombre qui ont tout des corps noirs irradiants. De cette mission de devenir autre, soit de devenir moi, pendant qu'elle dansait sous la pluie, Parc Molson.

Je reviens de ce marathon quelque peu épuisé, mais surtout satisfait de ces rencontres avec onze jeunes femmes toutes différentes dont le corps sans mots portaient la parole des gestes eux aussi tous différents. Certaines utilisaient le haut du corps, d'autres le bas, certaines investissaient le sol et d'autres aussi allaient à la limite du cube à presque le dépassé, mais toutes montraient le geste en accord avec le propos.

Pour arriver à ces moments, elles ont dû aller dehors affronter les conditions météorologiques et aussi le regard ou l'indifférence des passants. Elles ont dû apprendre à se laisser aller sans guides. Elles ont eu à bouger ou danser les yeux fermés et faire confiance à l'autre. Et de ces pas improvisés durant toute cette session si incertaine, j'ai bien ressenti tout le chemin parcouru par chacune d'elles.

Bravo à vous mesdames et à toi aussi Caroline qui a su leur permettre d'utiliser ce cube comme toi, un peu partout pour s'imprégner et se révéler ! Dès que les scènes redeviendront des lieux accessibles aux créateurs et aux spectateurs, je suis certain que je vous y reverrai mesdames !












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