vendredi 23 décembre 2016

Sur mes pas au théâtre: "Nous habiterons Détroit", métaphore du monde d'aujourd'hui ?

En entrée de jeu, je serais tenté de prévenir les lecteurs de ce texte que je ne suis pas un grand connaisseur des figures de style, donc le terme métaphore pourrait ne pas être le bon, ni le meilleur pour décrire en un mot, la pièce "Nous habiterons Detroit" de Sarah Berthiaume présentée par la troupe de théâtre de l'Université de Montréal, avec la mise en scène de Emilie Jobin. Je dois indiquer cependant qu'avec les évènements tragiques des derniers mois en Europe, cette pièce me semblait une belle illustration des conséquences du déplacement forcé de populations. Et que cette pièce soit portée par des jeunes me semble une prise de position optimiste pour l'avenir.

                             

Si vous connaissez comme moi les déboires financières de la ville de Détroit, avec des quartiers entiers complètement dévastes et désertés, peut-être que la cause de cette situation vous est moins connue. Avec les premiers tableaux, nous arrivons à comprendre que de nombreux américains de race noire sont partis du Sud, fuyant le racisme et l'esclavage, pour tenter d'avoir une vie meilleure dans le nord du pays. Cette main d'oeuvre a été acceuillie comme une bénédiction par les usines en pleine expansion dans la ville de Détroit. Qui dit main d'oeuvre en usine, dit population dans des quartiers et pour la population blanche, inconfort face à l'arrivée de gens différents. Et l'inconfort se traduit par départ de la ville centre et période de détresse financière. Et quand les grands mécanismes financiers se mettent en marche et que les usines ferment, c'est la catastrophe et la pauvreté galopante suivies par la faillite d'une ville autrefois fort prospère. Faillite financière qui s'accompagne d'une faillite humaine accompagnée par de la violence et du désespoir.

Mais ne voilà tu pas que nous découvrons sur scène, des jeunes qui y arrivent par accident, constatent l'état des lieux et qui prennent position, "Nous habiterons Détroit". Et pour ceux qui pensent que cette pièce est de la pure fiction, doit-on leur rappeller qu'effectivement Détroit se relève et se réhumanise et des images fort éloquentes de cela a pu être vu dans le beau documentaire "Demain" de Mélanie Laurent et Cyril Dion (présenté sur nos écrans de nombreuses semaines plus tôt cette année).

Les dix interprètes, d'origines très différentes, (Paloma Arcos, Dominique Denoncourt, Fanny Giguère, Verena Hartleitner, Leïla Hizaoui, Ombeline Labaune, Antoine Lomba, Yasmine Mahjoubi, Laurent Sabaye et Antoine Vaillant), sont manifestement inspirés par le propos du texte de Sarah Berthiaume. Ils livrent une prestation qui, en entrée de jeu, a tout d'une chorégraphie fort en déplacement de chaises. Par la suite, les tableaux se succèdent à bon rythme, nous transportant d'un lieu à l'autre et ils franchissent le quatrième mur pour "menacer" les spectateurs ou leur apporter une marque d'espoir.

Au final, ce que le feuillet de la soirée présentait comme un "poème théâtral en hommage à une ville déchue qui renait tranquillement" peut s'avérer une illustration de ce qui se passe dans le monde actuellement. De ces populations fuyant la violence et les menaces et qui viennent chez nous, saurons nous, nous éviter un autre Détroit planétaire?

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