Ça ne sera pas la première fois que mes pas m'amènent à une proposition de "ma" gang de Tangente et que j'en suis "interpellé", sinon déstabilisé ! Cette fois, au programme, "pour 18 ans et +", deux performances dans l'intimité (lire ici aussi, proximité) de l'Espace Vert du Wilder. D'abord, Geneviève Smith-Courtois accompagnée par Juliette Pottier Plaziat nous proposeront "∞POSTX∞" qui sera suivi par "There she was" de et par Jane-Allison McKinney.
Photo de Jane-Allison McKinney par Francesca Chudnoff tirée du site de Tangente
En entrée de jeu, je dois dire qu'autant les unes que l'autre sont de nouveaux "visages" pour moi, le spectateur "aguerri" ! À part l'avertissement tant qu'à l'âge, je m'y présente donc sans aucune idée préconçue. Et en plus, je ne lis pas le feuillet de la soirée avant de prendre place dans la salle. Je pourrais dire que j'arrive "vierge" pour cette soirée !
Une fois les portes ouvertes devant moi, je découvre tout autour de l'espace de prestation des coussins tout autour par terre et on m'invite à prendre place sur l'un d'entre eux. Invitation que j'accepterai, bien que des sièges plus confortables, soient disponibles dans les trois premières rangées de l'estrade. Voilà une première invitation à partager de l'intimité que j'ai accepté. Juste après, bien installé, je peux découvrir cette jeune femme (Juliette Pottier Plaziat) "légèrement" vêtue, qui se retrouve juste là devant moi ! Sur cette scène dépouillée (pour ne pas utiliser le terme dénudée !), elle est sur un "lit" à adopter des poses. Ces poses, je le découvrirai plus tard, sont tirées d'un livre d'Annie Sprinkle qui présente "Bosom Ballet". Pour les intéressé.es, si le nom d'Annie Sprinkle ne vous dit rien, une courte recherche sur Google vous permettra de vous la"situer" ! En sourdine, nous pouvons entendre des paroles d'une femme (d'Annie Sprinkle, je suppose !) qui porte sur la "porn", mais impossible pour moi d'en saisir le propos, mon attention étant portée à l'arrivée des gens en salle et aussi par ce que cette femme au regard et au corps fort affirmés me propose.
Une fois tous les spectateurs à leur place, débute officiellement la performance. Cette performance sur et autour de cet "autel d'exhibitionnisme" au milieu de la place, situe bien le malaise possible du spectateur. Elle semble fort à l'aise, mais moi homme blanc hétérosexuel, quelle posture de spectateur dois-je prendre ? Ma perspective oscille face à ce qui m'est offert et que cela peut susciter en moi. Mais le spectateur que je suis en a vu d 'autres et reste donc très attentif au propos !
Il y aura le chant des oiseaux qui accompagnera les premières étapes du cheminement de cette femme qui se présente à nous de façon fort affirmée tout en se dépouillant ! Le tout peut prendre des proportions multiples rehaussées grâce à sa caméra portative qui projette les perspectives sur les trois murs tout autour. L'esthétique qui en résulte est fort réussie et me plait beaucoup. Mon regard "navigue" frénétiquement entre la performeuse qui évolue en mouvements comme en propos et ses traces visuelles projetées sur les murs. Murs qui déforment d'autant plus qu'ils sont constitués de draps blancs tout ondulés.
Et puis arrive le noir (dans la salle) et le changement de perspective. Une fois les lumières rallumées, nous retrouvons tout au fond de la scène face au mur, un "autel", sur lequel se retrouve offerte à nous de dos, une autre femme (Geneviève Smith-Courtois) qui, elle aussi nous propose une perspective toute intime d'elle même. Perspective projetée qui intrigue d'abord pour ensuite faire réfléchir, sur ce que l'on peut voir ou sur ce que l'on veut voir. Aussi, de de cette autre perspective, jusqu'où peut-on ou doit-on aller pour se dévoiler ? À cette question, je suis incapable de donner ma réponse comme homme, à cette époque du "#me too" durant laquelle on se requestionne sur ce qui est souhaitable et même acceptable.
Et sur ces réflexions, les lumières s'éteignent et peu de temps après les applaudissements se font entendre avec les deux interprètes juste là devant moi !
S'en suit une courte pause durant laquelle nous pourrons rester en place. Et c'est que je ferai, le temps de laisser mon coussin sur la scène pour un siège en première rangée !
Une fois prêt pour la suite, les lumières éteintes et rallumées, nous apparaît dans le coin arrière droit de la scène une femme de dos. Elle n'a qu'une culotte et se met à évoluer de dos, d'abord pour ensuite venir vers nous dans une démarche lente avec un propos gestuels portés par ses mouvements de bras fort captivants que j'apprécie beaucoup! Une entrée en la matière fort bien réussie, de ma perspective. Pour la suite, les jambes et le corps compléteront son propos avec des éclairages qui colorent par intermittence le sol d'un bleu fort apaisant. Arrive le moment de la transformation, de la libération de ses cheveux, durant lequel elle revêt une robe noire et des souliers noirs à talons hauts. Sa métamorphose me captive, mais surtout ses déplacements parfois hésitants, mais le plus souvent affirmés sur ses talons hauts qui me garde rivé à elle. Et puis, en troisième partie de l'oeuvre, elle nous interpellera en anglais (mais on obtiendra en sortant de la salle la traduction française, merci Tangente !) avec un propos qui débute par "It's crazy, it's insane, it's wild" jusqu'à "it's can be funny". Son réquisitoire (traduit en français) de dix lignes et que je peux lire et méditer, j'en retiens principalement quelques mots qu'elle nous à illustrer juste avant "Tout oublier et foncer".
Et arrive le moment où elle revient en arrière, comme si elle revenait dans le passé pour retourner, non pas à son point de départ, mais un peu en avant et vêtue autrement ! Comme si l'expérience des pas faits sur cette scène comme dans la vie l'amenait à être autrement et ailleurs.
Voilà une oeuvre forte, un coup de cœur pour moi, avec je serais tenté de dire, du propos (ou en d'autres termes, riche dans la partie U.V. du spectre d'une oeuvre) et une prestation fort belle et bien exécutée. Une oeuvre dont autant le propos que l'interprétation m'a rejoint et m'a fait réfléchir!
Je ressors de la salle, interpellé, un peu troublé aussi, à la suite de deux oeuvres qui m'ont permis de découvrir autant les corps que les propos de femmes dans des démarches d'affirmation !
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