Je viens d'effectuer ma deuxième et fort probablement dernière visite au Festival ZH dont la programmation de cette édition était assez peu garnie en danse. Pour cette soirée, première partie danse, "Habitat" de et avec Bettina Szabo (création dont j'avais bien apprécié les "premiers pas" au Studio 303 l'an dernier, http://surlespasduspectateur.blogspot.ca/2016/10/sur-mes-pas-imprevus-en-danse-au-studio.html) qui sera suivie par la proposition théâtrale "Chef d'oeuvre" de Christian Lollike (adaptée par la Charles Dauphinais).
"Pas mal de monde", encore une fois pour cette soirée et "tout ce beau monde" prend place dans la grande salle pour découvrir dans "Habitat", grâce à un faible, mais efficace faisceau de lumière, un être qui semble venir des profondeurs de la mer ou du dedans de soi. Apprivoisant ses gestes, je découvre là, tout au fond, de dos à moi, un être ou une femme qui par ses beaux mouvements semble polymorphique. Si ma raison ne fonctionnait pas, j'aurais été tenté de dire que parfois, elle me faisait face avec sa chevelure devant la figure. L'ombre se dévoilait juste assez pour ne pas perdre tous mes repères. Les gestes captivent, mais qui est-elle ? Peu à peu, elle s'approche de nous pour prendre possession d'une toile toute d'épines composée (sculpture de Jacinthe Derasp) et l'endosse pour se métamorphoser en une chose, coquillage de mer (meilleur terme que je puisse utiliser). Cette forme, éclairée de l'intérieur, se déforme, semble se moduler à partir des sentiments de l'être qui l'habite et qui parfois semble vouloir en sortir. L'évolution est captivante, mais surtout magnifique à voir. J'ai l'impression, de voir mon coeur se débattre en dedans de moi lorsqu'il bat de la chamade (cette image de coeur fortement ressentie la premièere fois, me revient encore). La grande question est, se libérera-t-elle de cette enveloppe ? Les déformations deviennent extrêmes et oui, amèneront le corps à devenir libre et exposé devant. Corps tout affirmé avant de nous quitter, après tout ce chemin ou ce parcours intérieur fait en une trentaine de minutes fort bien remplies et efficacement enrobées par la trame musicale de Brice Gatine.
Guillaume Vallée - Métamorphose, Studio 303, 2016
Si à la fin de la présentation, j'étais tenté de proposer d'inverser les deux premières et principales parties, le temps passant, ma lecture de l'oeuvre évoluant, je suis moins convaincu. Il en reste que de cette performance, il y a là s'y retrouver et aussi, mais surtout apprécier une belle et exigeante prestation de Bettina Szabo, fortement et sincèrement applaudie.
Le temps d'un court entracte et l'appel d'usage, nous nous dirigeons vers le Cube, endroit situé en haut du même édifice. Nous sommes invités à prendre place sur l'une des chaises placées en deux rangées, face à face et séparées par un bras de distance. Dans cet aménagement des lieux, notre voisin est derrière, à côté, mais aussi juste devant. Pas de scène, sinon deux fauteuils au bout de l'allée séparant les sièges de la salle. Et tout à coup, les quatre interprètes se "dévoilent" et sont parmi nous, dont une juste devant moi. L'effet de surprise est réussi. Le débat entre les personnages qui s'en suit sur la tragédie du 11 septembre, débat initié par la citation du compositeur Karlheinz Stockhausen, "Les avions qui ont percuté les World Trade Center le 11 septembre 2001 ont produit l'oeuvre d'art la plus grandiose de tous les temps." (tirée du site du festival). Déjà, avec cette affirmation, la réaction dans la salle est fort évidente. La suite nous entraîne dans une suite d'échanges qui interpelle, perturbe, choque même. La réaction dans cette petite salle et dont la moitié se retrouve juste devant moi en est fort éloquente. Le propos percute et comme pour l'actualité des derniers jours, les dérives sur l'étranger se font grandes et fréquentes. Jusqu'au moment, arrivant de nulle part, ce personnage omniprésent d'abord dans le propos, de Mohamed, s'adresse calmement à nous pour replacer certains enjeux.
Une oeuvre qui a tout pour choquer (je vous fait grâce de certains extraits qui comparent les pires excès des comportements humains et de l'importance d'être à la TV), mais qui peut aussi faire réfléchir, une fois notre ébranlement intérieur passé. Une oeuvre audacieuse avec des artisans qui le sont tout autant, Mustapha Aramis, Charles Dauphinais, Dominick Rustam Chartrand, Catherine Le Gresley, Julie Tessier et, ma "voisine du siège d'en face" Tatiana Zinga Botao.
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