Moi, qui comme spectateur, me sent parfois un peu coupable de préférer la danse au cinéma, au théâtre ou à la chanson, la proposition de l'Agora de la danse "faisait baisser un peu la pression".
À l'affiche, "Major Motion Picture" de David Raymond et Tiffany Tregarthen dont le synopsis, présenté dans le programme, annonçait fort justement ce que j'ai vu, soit "Un cinéma conflictuel/le bien et le mal se dissolvent/nous jouons tous des rôles/les rebondissements émergent de la noirceur".
Photo de Michelle Doucette tirée du site du journal Le Devoir
Me voici donc bien assis première rangée pour voir cet amalgame danse-cinéma dans une salle fort bien pourvue de spectateurs en ce samedi après-midi. La lumière se fait discrète jusqu'à se faire absente, laissant toute la place à celle qui, au micro, nous invite à aller de l'avant pour notre satisfaction. S'en suit l'arrivée de personnages aux personnalités changeantes pour lesquels, il nous est impossible de tracer une ligne claire entre le bien et le mal, comme dans les romans de Raymond Chandler ou Jim Thompson (encore présents dans mes souvenirs de lecteur). Cette ligne floue et surtout très variable qui m'a permis, plus jeune, de "briser certaines de mes certitudes", je l'ai revue sur scène, rehaussée par le contrejour. D'autant plus que la caméra débusquait pour nous les imposteurs ou les "retourneurs de veste" dans les coulisses. De ces moments de danse fort éloquents, je les dois aux prestations toutes aussi éloquentes que brillantes des interprètes Peter Chu, Isak Enquist, Elya Grant, Emmanuelle LePhan, David Raymond, Renee Sigouin et Tiffany Tregarthen.
Mais aussi et surtout, l'impression de voir des choses inédites. Des façons de présenter, jamais vues pour moi jusqu'à maintenant. Ce personnage mystérieux et menaçant qui revient, habilement incarné par trois interprètes sous cette veste ou ce visage incarné par les gestes des interprètes. Dans cette pénombre ou dans ce contrejour, les gestes rayonnent et irradient la contradiction du bien et du mal. Les gestes captivent et moi, mon attention ne peut s'en échapper. Il y a aussi ces projecteurs et cette caméra qui tentent de nous débusquer, comme spectateurs, "Big brother in action" ou tous peuvent être coupables. Jusqu'à la fin de la présentation, dans un tableau fort percutant et touchant dans lequel cette interprète qui, avec ses jambes et ce veston omniprésent, incarne un face à face tout à fait crédible qui évolue de façon fort surprenante.
De cette oeuvre qui vient de loin (de Vancouver B.C.), elle me laissera une marque de "pas" profonde, mais surtout indélibile. Une oeuvre qui permet, selon moi, aux amateurs de danse ou de cinéma de retrouver sur scène de quoi les satisfaire.
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