Qui pourrait douter que nous en sommes rendus à une époque effervescente de perturbations qui met sur la place publique le requestionnement de certaines de nos certitudes ? Les relations des hommes et des femmes dans le monde d'aujourd'hui sont au coeur de l'actualité. Mes deux plus récentes sorties dans les maisons de la Culture de mon arrondissement en étaient de belles illustrations. La première étant le requestionnement de la place de la femme dans les rôles convenus, "formatés" et surtout asservis, avec "Les Oracles". La deuxième, "Ton corps t'appartient-il ?" portait en requestionnant l'importance et l'omniprésence de notre apparence, celui des femmes surtout, dans la vie.
Deux sorties de formes assez différentes, danse, vidéo, musique et textes pour la première, théâtre pour la deuxième. Mais deux oeuvres toutes aussi intéressantes et percutantes. Commençons par la première.
Photo tirée du site internet de Rhizome
Dans la (trop) grande salle du "Patro Le Prévost", "Les Oracles" nous proposaient une performance in(ter)disciplinaire (avec une utilisation des parenthèses comme je les aime avec le sens double amené) comme décrit par "Rhizome" et "Transcultures", producteurs de cette création. La scène est trop loin et aussi trop haute, mais pour peu que l'on concentre son attention sur les propos de Catrine Godin et Martine Delvaux et les gestes de Marilyn Daoust, accompagnées par Philippe Franck à l'atmosphère musical, le message interpelle. Autant dans le "Chapitre I : Percées" que dans le "Chapitre II : Prototype n°1", l'homme que je suis ne peut rester impassible à ce qu'on lui présente. Il serait plus juste de dire "frappé" par le propos qui appuie l'actualité qui jour après jour nous révèle les côtés sombres de la nature humaine (et masculine). Si l'oracle est un personnage mythique de genre masculin qui apporte des réponses aux sens "flexibles", rien de tel dans cette oeuvre. Les oracles sont féminins et la place de la femme dans leur affirmation est transcendant. Pas nécessaire de bien saisir le sens de chacun des mots pour bien ressentir. Dans "Prototype n°1", les mots projetés sur grand écran sont incarnés par une chorégraphie de cette femme "blonde" (Marylin Daoust) qui se débat furieusement face à ses stéréotypes persistants de "fille en série", dixit Martine Delvaux. Le personnage ressort vidée (et l'interprète aussi, j'en suis certain) de son combat qui se termine en laissant derrière elle, sa perruque blonde. Rien cependant qui indique que la guerre est gagnée, mais le combat continu, voilà l'extrapolation logique de ce dyptique qui mériterait bien une suite, mais aussi une discussion avec le public après la présentation.
Le lendemain, dans la (petite) Salle de diffusion de Parc-Extension, nous avons eu droit à la présentation de la pièce "Ton corps t'appartient-il ?" de la compagnie "Minuit moins une Théâtre, avec sur scène Arnaud Doiron-Barbant, Sandrine Quynh, Célia Laguitton et Benoît Patterson. Finaliste, bien méritée, du concours "Parcours scène" de mon arrondissement, cette pièce vise, tel que le mentionne le feuillet, à toucher et ébranler le public, l'inciter à la réflexion et à la prise de position." Et pour cela, elle vise juste.
Affiche tirée du site de la Ville de Montréal
C'est en revenant dans le temps avec un extrait de "Mais n'te promène donc pas toute nue !" de George Feydeau (écrite en 1911) que la pièce débute. De cette femme qui se promène dans sa maison devant son enfant en "tenue légère", le mari n'arrive pas à installer son autorité et "sauver" son honneur (à lui) pour la faire se "rhabiller". Une fois, cette introduction historique qui met bien la table, la suite sera composée d'une série de tableaux qui fera rire (parfois jaune) sur des problématiques toujours actuelles et pertinentes de ce corps qui est le nôtre, mais qui appartient souvent plus à ceux qui le regardent. Donc, pour répondre à la grande question, "à qui appartient vraiment notre corps ?", il y a cette femme qui réalise que son "cul" est pour les autres et que elle, il échappera toujours à sa vue. Ou cette jeune femme qui a toujours 27 ans et que pour y arriver, y met les moyens de liposuccions à des abdominoplasties en passant par l'incontournable augmentation mammaire et qui "grâce" à son psychothérapeute sera dans "quelques années" sans défauts. Une des qualités de ce tableau est d'avoir présenté cette "jeune" femme par un homme.
Certains tableaux sont plus dramatiques, tels que celui de ce couple qui "contourne" une autre maternité pour assurer leur "si bon confort". De ce court échange, aux enjeux actuels, impossible de ne pas être interpellé. Et le tout se termine avec un rappel que notre corps (avec les cuisses qui portent le propos mis de l'avant dans ce tableau) garde en mémoire toutes nos expériences passées pour aller de l'avant. Une pièce qui met scène, fort habilement des enjeux fort actuels et qui mériterait qu'elle soit présentée devant un public de jeunes pour les sensibiliser à certaines réalités de leur corps. Et comme les artisans le souhaitent, il faudrait faire de cette pièce, avec son titre fort pertinent, un déclencheur de discussions parce qu'elle en possède tous les ingrédients. Une sortie à faire et des dates pour cela, le 20, 21, 27 et 28 novembre prochain au Bain Mathieu.
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