dimanche 17 avril 2016

Sur mes pas en danse: Ébranlé par "Vestiges" des finissantes de l'UQAM

Débutons par une mise en contexte, depuis quelques années, je suis un habitué des spectacles chorégraphiés dirigés des étudiants, mais beaucoup moins des spectacles chorégraphiques libres. Si je le mentionne, c'est que j'ai perçu un contraste entre les oeuvres colorées ou ludiques (dirigées par  Frédéric Gravel, Dominique Porte et Marie Béland, entre autres) et les trois propositions plus sombres présentées dans "Vestiges" (j'allais écrire Vertiges et ce n'est peut-être pas tout à fait accidentel). Dans le titre de ce texte, j'ai écrit ébranlé, mais le mot déstabilisé serait peut-être plus adéquat. Je vous épargne mon débat de sémantique intérieur et allons dans le vif du sujet, soit comment j'ai bien apprécié cette soirée.



Trois oeuvres créées par des finissantes du BAC, interprétées par des finissantes du même BAC. "Habitué" aux Passerelles 840, plusieurs "visages" m'étaient familiers et ce fût un plaisir de les redécouvrir autrement. Il y a d'abord la perspective du titre, qui porte résolument vers le passé. "Vestige: Restes d’une chose détruite ou disparue", peut-on lire et cela me semble tout à fait approprié pour décrire l'ensemble des trois oeuvres, "La mort est une question de temps de verbe" (que j'aime ce titre !!!) "Limonade et jus de raisin" et "Adoptée vive", présentées dans cet ordre. Il y aussi la perspective inverse de la trame sonore, que chacune des oeuvres a utilisée,  les crépitements ou les grésillements, venant "du bas" plutôt que la musique habituelle qui elle vient "du haut".

Ce regard porté est sombre et pour moi, montre déjà une certaine maturité des trois chorégraphes finissantes. Dans "La mort est une question de temps de verbe", Marie-Pier Laforge-Bourret s'inspire du décès de son père pour construire une oeuvre qui débute par une série de courtes images, intercallées de noir, telles des flashs du passé, serais-je tenté de dire. Sur le crépitement d'une fin de 33 tours, les tableaux mis en mouvement par Christina Birri, Élisabeth-Anne Dorléans, Adèle Dussault-Gagné, Frédérique Savoie et Natacha Viau pourront évoquer nos propres souvenirs, le tout sur fond sombre, uniquement éclairé par ce simple projecteur venant "du passé". Cette coloration intimiste, rehaussée par la trame musicale de Pink Floyd (elle aussi d'une autre époque dont celle de ma jeunesse) aurait pu faire le tout, mais, tout à coup, la lumière se fait. Éclairage et "The Mexican" de Babe Ruth déstabilisent, comme un appel à se reprendre en main, avant de revenir à ces flashs du passé et à l'obscurité finale. Pause de cinq minutes bien appréciée, question de ravaler mes propres souvenirs.

Suit, "Limonade et jus de raisin" de Tanya Dolbec, dont un extrait de l'extrait du poème présenté dans le feuillet de la soirée me semble fort bien résumé ce que j'y ai vu. "Qu'est le soi/ Une terre foisonnante". En apparence, plus lumineuse que les deux autres oeuvres de la soirée, le jeu du dévoilement que nous propose Mélanie St-Georges, Marie-Hélène Desrochers et Roxane Dion interpelle. Jusqu'où, sommes-nous prêts à aller sans considérer le lendemain. Impossible aussi de rester indifférent face à la chevelure de Roxane, à la prestance de Marie-Hélèene et à la détermination de Mélanie de vouloir boire jusqu'à la lie. S'en suit une pause de quinze minutes qui permet d'y réfléchir soi-même.

Pour terminer, "Adoptée vive" de Pascale Talbot, qui a tout du écorchée vive sans le titre est sans aucun doute dans mon esprit, celle qui m'a le plus interpellé. Trois personnages différents, interprétés par Andréa Corbeil, Sophie Levasseur et Julie Villeneuve (mon coup de coeur de la soirée), nous présentent des relations particulières sur fond d'osselets éparpillés sur le sol et sur une scène sombre, tels des vestiges du passé. J'ai été troublé par cette apparente insensibilité (du personnage de Julie tellement bien interprété) et par le tableau de ce personnage désarticulé ( montrant la trace de Caroline Gravel dans la chose). 

Rien de facile durant les deux heures de cette soirée, mais pour m'avoir permis de ressentir des sensations fortes et déstabilisantes, bravo mesdames et félicitations à votre prof Armando Menicacci. Je me promets d'être présent l'an prochain et surtout de vous suivre sur d'autres scènes pour vous et d'autres salles pour moi. 

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