Il y a des propositions chorégraphiques qui prennent appui sur la souffrance humaine pour nous la retransmettre. "Intérieur brut" de Sonia Bustos en collaboration avec Élodie Lombardo en est une de celle là et elle percute fort en nous, homme ou femme. Comme le cycle en trois temps, "Serpentine", de Daina Ashbee nous l'avait présenté, il y a moins d'un an.
http://surlespasduspectateur.blogspot.ca/2017/11/sur-mes-pas-en-danse-vice-versa-et.html.
Mais commençons par le début. Mes pas m'ont d'abord amené jusqu'à la Galerie du M.A.I. dans laquelle on retrouve une exposition de photos et d'un vidéo en lien avec un événement qui c'est produit il y une douzaine d'années au Mexique. Nous y apprenons que pour réprimer une contestation citoyenne, près d'une trentaine de femmes furent arrêtées et, durant leurs détentions, soumises à des sévices sexuels. Une dizaine d'années plus tard, douze d'entre elles ont décidé de s'affirmer et de demander justice. Voilà le point de départ de la proposition chorégraphique que Sonia Bustos, jeune Mexicaine qui vit maintenant à Montréal, nous proposera.
Arrivé un peu à l'avance, je peux découvrir les percutants et poignants témoignages de ces femmes (Paty, Suhelen, Ana María, Italia, Mariana, Norma, Claudia, Yolanda, Cristina et Edith) au bas de leurs photos prises par Mirada Sostenida. Il y a aussi cette projection vidéo qui présente ces images "pixélisées" incomplètes et déformées de ces figures de femmes. Impossible de ne pas y voir une image forte de ce qu'elles sont devenues après ces événements tout aussi tragiques que troublants dans un état, dit de droit.
Photo de David Chedore
Je me rends dans le lieu de présentation où on retrouve une vingtaine de sièges disposés en demi cercle avec juste derrière, les affiches du visage de ces femmes. Ce qui me frappe le plus est leur regard affirmé, décidé qui semble montrer que plus rien ne leur fera peur dorénavant. Ces femmes sont jeunes ou moins jeunes. Le temps passe et des coussins s'ajoutent, les sièges ayant tous trouvé preneur. La prestation aura lieu dans un endroit sobre, sans artifices sauf une pièce de vêtement, sur un plancher de bois.
Arrive le moment où discrètement l'interprète arrive par une porte et, à l'écart, se réchauffe et s'étire. Les portes de la salle se ferment, les lumières s'éteignent et nous apparaît ce corps féminin d'une belle robe revêtu. Sur un fond sonore qui a tout de la reconstruction, elle se présente tout en mouvement à nous. Par la suite, nous la sentons investie, elles, tout autour de nous, sont elle et elle devient elles dans leurs différences et leur unicité aussi. Il y aura aussi le moment fort puissant par sa connotation, durant lequel le corps sera sans visage, recouvert de son vêtement. Cette femme se métamorphose au son de la trame musicale légère et aussi plus tragique. Elle oscille aussi, sursaute et effectue aussi des soubresauts, nous entraînant dans les méandres de son trouble intérieur. Et arrive le moment durant lequel elle me regarde droit dans les yeux, des yeux vers moi mais de l'intérieur pour elle. Et lorsqu'elle se met à parler, c'est par un langage incompréhensible pour moi, dialecte ou inventé (nous apprendrons après la représentation qu'il était inventé), mais peu importe, la teneur intense du propos résonne dans toute la place et me touche.
Il y aura aussi ce moment où sa petite culotte blanche (symbole de son innocence) est retirée pour montrer une autre beige, comme la vie peut devenir après des événements qui nous enlève nos illusions. La robe aussi sera remplacée par ce pantalon signe de détermination devant la tâche à faire.
Et arrivera la finale où elle prendra place parmi nous dans le noir et moi, comme les autres, incapables de réagir et d'applaudir rapidement. Les moments vécus nous laissant sans contenance. Le témoignage que Sonia Bustos nous a livré, sous le regard de toutes ces femmes, est salvateur.
Comme nous l'apprendrons durant la discussion d'après représentation, ce projet a mis longtemps à "mijoter", mais le résultat est à la hauteur de la qualité et de la sincérité présentée. Durant la représentation, j'ai même vu des larmes dans le visage de l'interprète, ce qui ne laisse aucun doute que devant moi la femme et l'interprète ne faisaient qu'une. De cet "Intérieur brut", j'en ai été chamboulé, mais aussi réjoui de voir que ce la terreur et de la violence, il peut en émerger de la détermination et de la beauté. Cela met un baume sur le pessimisme qui rode en et autour de moi.
Au final, ce que je retiens le plus et garde en moi, c'est la sincérité de cette femme. Une oeuvre à voir et à revoir par le plus grand nombre, s.v.p. !!!
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