mardi 27 septembre 2016

Sur mes pas en danse vers "Pour", un offertoire pour la vie

Pour ma deuxième sortie de ce début de saison en danse tout féminin, après un impressionnant "La Loba", mes pas m'ont porté au théâtre La Chapelle pour y découvrir "Pour" (dans le sens anglais du terme), la plus récente proposition de Daina Ashbee. Le hall d'abord et la salle ensuite étaient "full" remplis pour la première en ce lundi soir, nouveauté intéressante de ce lieu de diffusion.

De cette chorégraphe, j'ai encore en mémoire les deux oeuvres que j'ai vues d'elle. D'abord, "Unrelated" pour laquelle, j'avais écrit "est une souffrance dévoilée, exprimée par des gestes d'auto-violence, par des gestes non aboutis, par des tentatives de prise en charge, mais jamais par la parole. Pour le montrer, elles le font sur un fond blanc tout cru, elles n'ont que le public pour tenter d'obtenir un certain appaisement." Touché et ébranlé en étais-je sorti !

Plus tard, "When the ice melts will we drink the water", solo plus court, mais tout aussi interpellant que sa proposition précédente. Il y a cette femme là, exposée, tout proche de nous dont les gestes trahissait une fébrilité et un désespoir évident. Ayant pour but d'entamer une réflexion sur les changements climatiques, cette "mère nature" a su bien le faire.

Dans ses deux oeuvres, en ressortaient pour moi, d'abord une vulnérabilité crûment exposée, à la merci des autres, face à nous, le regard bien haut, audacieux, pour la première et tout détourné pour l'autre. Il y a aussi cette proximité physique tout à fait assumée. Une si faible distance qui peut briser la fine pellicule de protection de ces femmes pour n'en conserver que l'audace. Des oeuvres viscérales qui m'ont fortement interpellé. C'est donc avec une certaine hâte, sinon une hâte certaine, que mes pas m'ont amené pour la suite du parcours chorégraphique de cette jeune femme à l'âme "audacieuse".


                                          Photo: Daina Ashbee

Avec "Pour", je peux l'indiquer en entrée de jeu, la chorégraphe poursuit dans la même veine, mais en l'ancrant dans "la relation complexe des femmes à leur cycle menstruel", fort justement annoncée comme une oeuvre "alliant force et vulnérabilité", des êtres qui plient, mais qui ne brisent pas. Mais, cette rencontre n'est pas facile, exigeante et interpellante, que l'on soit un homme ou une femme et cela dès le début. 

À notre entrée dans la salle, nous devons prendre notre place dans la pénombre. Nous pourrons entendre à intervalle régulier, le temps que chaque siège accueille son spectateur, le cri ou le chant venant d'une forme humaine que l'on peut distinguer avec effort dans le fond de la scène. Ce chant ou ce cri, tel un appel, se modifiera peu à peu. La salle remplie, les lumières s'éteignent complètement et nous sommes là dans l'attente. Le personnage (Paige Culley, totalement investie du début jusqu'à la fin), s'approche tout à coup de nous, soit juste en face de moi en première rangée. Il fait noir, mais elle est là, prenant possession de notre attention et de notre vision, malgré le peu de luminosité entre nous.

Arrive, le moment, la scène blanche rayonne et nos yeux peinent et vacillent à effectuer la transition. S'en suivra une série de tableaux durant lesquels cette femme, sans défense, exécutera des mouvements ou des cris répétés jusqu'à parfois tester sa résistance et la nôtre aussi. Il a été parfois possible de ressentir cet effet dans la salle autour de moi. Les tableaux étant souvent sans enrobage musical, "cet effet de salle", il est difficile de le rater. D'autant plus vrai pour le dernier tableau qui nous oblige à un certain effort de retenu et qui devrait faire jaser "dans les chaumières" !!!. 

Pour ma part, j'ai été particulièrement touché lors des tableaux durant lesquels, elle m'interpellait (OK !, je sais que je n'étais pas seul, mais c'est tout comme !) avec son regard, les yeux grands ouverts, tout aussi affirmés que vides. Je me sentais visé tout en dedans et de respirer, j'en arrêtais presque.

L'abandon de ce corps féminin aux cycles fondamentaux pour que la vie soit, voilà ce que le spectateur homme que je suis a pu découvrir intensément tout au long de ce "Pour". Les pas de retour m'ont permis de revenir sur terre, comblé !


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