Voici venu le moment de me rendre à ma première proposition chorégraphique de cette saison, après une introduction magistrale au MAC ( "Canopée" de Catherine Lavoie-Marcus). À cette proposition de Danse-Cité au théâtre La Chapelle, j'y vais équipé de ma paire de pantoufles, tel que nous le demandait les organisateurs. Avec un mercure qui plonge profond sous le zéro, les pantoufles, synonymes de confort chaleureux et douillet, est une apparence contradiction, mais tout en lien avec l'atmosphère annoncée et qui sera vécue dans la salle de prestation.
Photo de Martin Benoit tirée du site du Théâtre La Chapelle
Me voilà donc, dans le hall d'entrée, un peu à l'avance mais déjà achalandé, "because" première ! Je peux trouver une place pour mon manteau, pour être un peu plus "confo" ! Le temps que les portes s'ouvrent, je prends le temps de lire le feuillet de la soirée et, surprise pour moi, "El Silencio de las Cosas Presentes" (ou en français, selon Google, "Le silence des choses présentes"), j'apprends que la durée de l'oeuvre est d'environ 3 heures. Rien de bien dramatique en soi, mais lorsque le réveil-matin t'a réveillé très tôt en matinée, que la journée a été fort chargée et que tu avais un rendez-vous en fin de soirée, le spectateur que je suis sent un début d'angoisse s'immiscer en lui. Mais les portes s'ouvrent, mes pantoufles remplacent mes souliers et une belle place confortable, sur coussins blancs, m'attend et je la prends ! Profite du moment présent, je me répète intérieurement !!! Et ce mantra, répété pendant que tous les spectateurs prennent place, fait son effet !
Je m'installe donc et j'évalue ce qui se présente devant moi. Du côté gauche, j'y découvre une console, un piano et par terre, des tasses et des soucoupes. Du côté droit, encore plus de tasses et de soucoupes et ce qu'il faut pour les laver. Le temps que je fasse l'état des lieux, toutes les places trouvent preneurs ou preneuses. Et à l'heure prévue, se présentent à nous, deux hommes et deux femmes, tout de blanc vêtus qui débutent la distribution d'une boisson chaude, qui s’avérera une chocolat chaud fortement aromatisé et très bon à boire. Le tout dure une dizaine de minutes. Le temps que les derniers breuvages soit distribué, Eduardo Ruiz Vergara, le créateur et interprète, prend place au milieu de la scène. Il y restera pendant plus d'une vingtaine de minutes, le temps que son immobilité se métamorphose en une fébrilité, d'une assurance faciale assurée en une autre décomposée, dont ses longs cheveux camouflent ensuite son visage, mais pas l’irradiance de ses gestes, sur un fond sonore qui se fait de plus en plus intense.
Un premier long tableau qui capte mon attention et qui me permet de lâcher prise. Un premier long tableau donc, qui se termine sur une finale qui nous montre que des tasses, comme des "tâches" ou des relations précieuses avec les autres, si nous sommes animés d'une fébrilité aveugle, ne peut qu'annoncer une suite catastrophique et d'innocentes victimes dont certaines, collatérales. À preuve, en cette soirée de première, un résidu d'une tasse, victime de cette fébrilité est resté sur scène, malgré les passages répétés et minutieux du balai et a blessé le pied d'une des interprètes, laissant sur ce plancher tout blanc, les traces de sang pour en fournir la preuve.
La suite m'amène dans une expédition forte en sensations et en prestations. Une suite de tableaux, riches des interactions humaines et de leurs interactions équilibre-déséquilibre ou de leurs perspectives horizontale-verticale, de transitions musicales, de ces intrusions dans les estrades. Tableaux portés par la grande qualité et la présence, forte, des interprètes ( Marie Mougeolle, Sophie Levasseur et Eduardo Ruiz Vergara aux "gestes" et Nathan Giroux et Gabriel Vignola à l'environnement musical et sonore).
Le tout m'a demandé un lâcher-prise avec un certain effort, sinon un effort certain, mais une fois fait, je me suis rendu dans un univers surprenant, recelant des surprises, et des tableaux forts et réussis. Par exemple, celui durant lequel, elle (Sophie Levasseur) nous arrive avec son sac rempli de grésillements et qu'elle ouvre devant nous. Pour, par la suite, être rejoint par lui, pour un bout de chemin, plein de distractions pour finalement être laissée là, en plan, au point de départ. Difficile de dire en mots, ce qu'il est possible de ressentir tout au long, mais le ressenti percute en moi. Et nous pourrons aussi voir, comment aveugle, sur les pas de Marie Mougeolle), il est possible d'aller de l'avant et se rendre à bon port.
Avec "El silencio de las Cosas presentes", Danse-Cité, Le Théâtre La Chapelle et Eduardo Ruiz Vergera, est ce qui est annoncé, "Danse performative axée sur le partage polysensoriel de l’intime" qui nous demandent de sortir des sentiers battus de spectateur pour explorer autrement, en quinze temps et trois heures. Une exploration que j'ai apprécié de faire et qui mérite de la faire.
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