Voici venu la fin de l'année régulière en danse sur les différentes scènes. Avant d'abaisser le rideau sur sa dernière année, l'Agora de la Danse nous propose un programme triple, malgré que son titre contient le mot quadriptyque. Apparente contradiction qui sera résolue par l'information contenue dans le feuillet de la soirée qui nous informe qu'il sera possible de découvrir, la "quatrième partie" à la Maison de la Culture Plateau Mont-Royal (le 16 et 23 mai prochain) avec au programme, dans la salle d'exposition, "À mes yeux, c'est similaire" de Sarah-Ève Grant.
Mais revenons au propos premier de ce texte, soit cette soirée en trois temps, fort différents et pas qu'un peu !
Photo de Mikael Theimer tirée du site du Devoir
Le tout commence avec "Casablanca" de Deborah Dunn par Bill Coleman, Maxime D-Pomerleau, Joannie Douville et Georges-Nicolas Tremblay. Ils se présentent à nous, d'abord ombres noires sur fond blanc et ensuite, vêtus comme les protagonistes du film Casablanca. Sur un ton fantaisiste, nous avons droit à un extrait "animé" de ce film sur sa bande sonore. Impossible de rester "froid" devant l'interprétation "théâtrale", riche de les expressions faciales de Maxime D.-Pomerleau, autant dans sa chaise que debout. Je peine à suivre le propos, parce que les gestes à eux seuls, fort nombreux et éloquents, me captivent. Et puis arrive le moment du changement de ton. Annoncé par le dépouillement des habits de ce film, l'oeuvre prend une tournure "à la dérive", sinon rampant avec une touche hallucinante. Et ce changement de ton de l'oeuvre me plait. Ce dérapage esthétique, porté par des mouvements enrichis par le déplacement des chaises roulantes, nous amène dans une autre dimension, qui laisse une place à mon interprétation. Et puis, arrive le moment où les protagonistes poursuivent le chemin vers leur destin, mais pas tous du même côté, comme la vie, parfois, nous y force !
Après une courte pause, dans le noir qui domine le lieu, m’apparaît, sur fond musical, tout à ma gauche faiblement éclairé, d'abord deux corps étendus par terre. C'est le début de "À perte de vue" de Lucie Grégoire interprété par Marie-Hélène Bellavance et Georges-Nicolas Tremblay. Dans une simplicité scénique, l'histoire se dévoile à moi. De celui qui quitte et de celle qui reste ! Une histoire triste qui se présente à moi, riche de par sa simplicité et qui me touche. Cette femme a perdu quelque chose dans cette séparation. Les prothèses sont le symbole d'une perte plus grande que les objets amenés. Et une fois brisée, une relation peut-elle être réparée ? La fin de l'oeuvre nous en donne une réponse. Une courte oeuvre qui m'a touché et qui montre bien que l'handicap d'elle (Marie-Hélène Bellavance est amputée de ses deux jambes sous les genoux), n'empêche rien à la force et l'éloquence du propos des gestes. Un de mes coups de cœur de la saison !
Une fois repartis chacun de leur côté et les applaudissements bien mérités, envolés, les lumières s'allument dans la salle et nous avons droit aux indications de Katya Montaignac. Nous pourrons quitter la salle, le temps de la mise en place, fort importante et surprenante, pour la suite. Nous pourrons aussi (et nous devrions, j'entends en sous-texte !) changer de place. La durée de la troisième partie est variable et nous pourrons aller et venir tout au long de la présentation, les portes de la salle restant ouvertes. Des écrans dans la salle et à l'extérieur nous permettrons de suivre l'oeuvre à venir, dès maintenant !
Réfractaire aux changements, je conserverai ma place pour la suite et c'est donc de "ma" place que je découvre "un peu par hasard" que ce que je voie sur l'écran, soit Benoit Lachambre et France Geoffroy, qui sont justes à côté dans le corridor, en train d'échanger des propos. Et juste après, je découvre Marie-Hélène Bellavance en charge de les capter par sa caméra installée sur une chaise roulante et qui le fera tout au long de ce qui suivra. Ce qui en apporte une perspective intéressante et variable aussi.
Et puis, arrive le moment plus formel du début de la prestation qui pour moi, relève plus d'une rencontre entre deux personnes que de celle entre deux interprètes et un public. La complicité entre les deux est palpable, mais nous, moi, je me sens plutôt voyeur. Le tout très "Lachambre", est sans trame narrative, ce qui me déconcerte. Et je ne suis pas le seul, puisque certains spectateurs quittent pendant. De cette troisième partie "Entretiens, d'entres liens", je peux affirmer que les liens entre les interprètes sont établis, mais avec les spectateurs, pas si certain !
Peu importe ce que nous venons de vivre, les applaudissements qui suivent pour les chorégraphes et interprètes des trois parties sont fort généreux et mérités.
Une soirée qui montrent bien que la mission que s'est donnée France Geoffroy est réussie, en mettant sur la scène des interprètes avec ou pas des limitations physiques, et que nous, comme spectateur, ne les distinguions pas, amalgamés dans le creuset de l'oeuvre.
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