Pendant qu'ailleurs à Montréal, deux hommes attendent Godot avec espoir, ici à l'Espace Libre, deux femmes errent sans aucun espoir, anesthésiées par l'alcool et la drogue.
Quand nous entrons dans le studio Espace Libre, elles sont déjà là avec leurs maigres possessions dans un lieu où les détritus occupent toute la place. Décrite comme n'étant pas de la danse ni du théâtre, "Native Girl Syndrome" de Lara Kramer est pour moi une oeuvre sur le mouvement qui fait du sur place. Parce que ces deux femmes, tout au long de notre rencontre, ne parlent pas ou si peu, ne regardent pas devant ou si peu. Intensément interprétées par Angie Cheng et Karina Iarola, elles sont condamnées à errer sur place en gestes désespérés, comme le nageur au milieu d'un lac juste avant de se noyer. Il y a bien un moment d'espoir, au détour d'une chanson ou de leur brève interaction, mais bien vite la réalité reprend toutes ses prérogatives et toutes seules, elles poursuivent vers nulle part. Qui sont ses femmes ? Question que l'on préfère éviter. Pourtant, elles sont là, errantes, prenant le peu qui leur est donné par la vie et la société qui les a déraciné d'ailleurs. Pour moi, qui en rencontre lors de mes déplacements dans le centre-ville, mais qui détourne les yeux en accélérant le pas, cette rencontre, de plus d'une heure, m'a forcé à découvrir plus longtemps cette réalité que ne veux pas voir. Et cela m'a fait forte impression.
Voilà une oeuvre qui n'a rien d'agréable, mais pour peu qu'on l'accepte, elle nous permet de voir une réalité que l'on voudrait bien ignorer et dont nous sommes collectivement responsables. Pour cela, merci Lara Kramer.
Pour ceux et celles intéressé(e)s à lire une entrevue éclairante avec elle, voici le lien sur Local Gesture:
http://www.localgestures.com/dance/portrait-lara-kramer
Photo: Site de l'Espace libre
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