"Pierre qui roule n'amasse pas mousse", dit le dicton, mais il ne s'applique pas, mais pas du tout à "Habiter sa mémoire" de et avec Caroline Laurin-Beaucage. Cette oeuvre roule sa bosse depuis près d'un an, un peu partout ici au Québec (dont Saint-Sauveur, Joliette et Montréal), mais aussi en Allemagne. La chorégraphe-interprète se déplace avec son "cube" de 4 mètres par 4 mètres dans les espaces publics pour danser quelques heures, 4 plus précisément, et accumuler mouvements et réflexions qu'elle et ses collaborateurs, aidés de caméra, conservent précieusement. Ce cube constitué que de ses arêtes et son interprète constituent la boîte noire de ses déplacements, dans tous les sens du terme.
Photo de Ginelle Chagnon sur le site de Lorganisme
Gracieuseté de Danse-Danse et de Arsenal Montréal, le cube se retrouve dans une galerie d'art et les créateurs tentent, avec cette résidence, d'en extraire, l'huile essentielle qui en conserve l'esprit pour le présenter dans un lieu plus restreint, soit pour l'instant, une "immense" salle d'une galerie d'art. Selon moi, après avoir vu le résultat de leur travail, même partiel, il pourra aussi se rendre sur une grande scène et "habiter nos mémoires" fort correctement. Diffuseurs, soyez en avertis. Mais avant d'aller plus de l'avant, voici un bref compte-rendu de ma visite loin de chez moi à la Galerie d'art Arsenal, vers laquelle mes pas m'ont amené.
J'arrive tôt, la galerie est "vide" et la salle pas encore ouverte, mais l'air climatisé apporte une touche de confort fort apprécié. Les portes de la salle s'ouvrent et quelques-unes des personnes présentes prennent place sur les quelques sièges et bancs disponibles devant lesquels nous retrouvons deux grands écrans qui projettent des vues de paysages urbains (ceux que le cube et son interprète ont visités) avec en fond sonore les bruits ambiants captés. Il suffit de se retourner pour voir derrière le "cube". À 15 minutes du début prévu, les spectateurs sont peu nombreux, soit moins d'une dizaine. Combien serons-nous, une fois le moment venu, avec dehors, l'été qui nous présente ses plus beaux atours et pas trop loin, une saison des festivals qui bat son plein. Le temps passe, encore dix minutes. La chorégraphe aime les grands espaces, mais vides comment se porteront ses pas et ses gestes ?
Et ne voilà-tu pas que sur les deux écrans, apparaissent sur l'un, une chaise vide et sur l'autre, deux chaises vides, identiques à celle sur laquelle je suis assis !!!! Les espaces projetés sont, selon ma perception de plus en plus grands. Cette distraction-attraction ne me fait pas remarquer que tous les sièges ont trouvé preneur et que par terre, la rangée de devant est pleine et que d'autres spectateurs sont debout derrière, pour un total d'une cinquantaine de personnes. La porte se ferme, les lumières se baissent et apparaît l'interprète, venue de derrière les écrans de projection. Elle se met à danser en rond et en voix off, elle s'interroge. Moi, j'en retiens, les expressions, "danser du vide" et surtout "la mémoire du corps est sauvage" qui est répétée, comme un mentra.
Je que j'en vois ? C'est qu'elle nous fait entrer, par une spirale, dans sa mémoire, riche en souvenirs et en hésitations aussi. Les mouvements sont fort en translation, mais aussi en vibrations et en déformations, comme peuvent l'être les souvenirs. Elle prend possession de toute la place en s'y déplaçant, sur une trame musicale riche en sons de touches de piano, qui résonnent. Elle nous entraîne dans une succession de mouvements fort différents, comme il est facile d'imaginer les souvenirs que nous même emmagasinons. Et tout à coup, sans avertissements, elle se dirige derrière nous, nous prenant au dépourvu, pour revenir à son cube pour un dernier tableau avant qu'elle s'évanouisse dans l'ombre comme peuvent l'être les souvenirs. Après un moment d'incertitude, les premiers applaudissements se font entendre, suivis par d'autres. S'en suit, une période de présentation et d'échange avec le public qui permet de bien comprendre le but de la démarche et surtout les aspects concrets fort intéressants pour le spectateur que je suis.
Fort bien déjà entamée, la démarche est prometteuse, mais, selon moi, surtout très intéressante. Les performances dans le cube se poursuivront (dont sur la rue Prince Arthur à Montréal les 16 et 23 août prochains de 16h00 à 20h00 ), dans le but d'enrichir cette mémoire déjà fort bien chargée et moi, je me promets d'en voir un épisode d'emmagasinement d'ici la fin de l'été, parce que les pas du spectateur sont très intéressés par ceux de cette artiste qui enrichi sa mémoire par ses pas et ses mouvements de par le monde.
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