vendredi 29 avril 2022

Sur mes pas à un évènement polyphonique: "Les jeux du crépuscule" au pluriel et surtout lumineux, toute une démonstration de comment faire œuvre utile !

Rarement, j'ai l'impression que les mots que je pourrais écrire ne pourront pas représenter adéquatement, ce que j'ai vu et ce que j'ai ressenti tout au long de cette soirée à découvrir "Les jeux du crépuscule". Il en reste que je me lance néanmoins dans l'aventure.

En cette fin de mois d'avril, mes pas m'amènent jusqu'au Wilder à cette soirée coprésentée par Danse-Cité et Tangente. Une soirée en quatre temps qui se décline de la façon suivante. D'abord, dans l'Espace Vert, atelier "Rencontre avec la technologie de la présence" animé par Stefanie Blain-Moraes et Marco Pronovost. Par la suite, un arrêt dans le café-Bar pour prendre une bouchée (lire ici un plat de chili fort bon par ailleurs (!) avec un verre de vin) et découvrir l'installation de Marie-Hélène Bellavance, "La maison que j'habite, moi". Par la suite, dans l'Espace Orange, la pièce de résistance de la soirée, "Les jeux du crépuscule" d'Ariane Boulet et après dans le même lieu une rencontre avec Florence Vinit pour être "accueilli" dans "Une loge de rêve". 

Commençons donc par le début ! C'est au sous-sol du Wilder que prend racine la soirée. Nous serons six personnes par paire de deux, munis d'un capteur digital, à nous diriger derrière des rideaux où nous attend notre guide (Marco Pronovost). Ce capteur digital dont j'étais fort conscient de la présence sur mon doigt à mon entrée en salle, disparait de mon "radar" dès les premiers moments. Nous sommes guidés dans différents états corporels, les yeux ouverts ou fermés, à notre convenance. Avec au bout de ce tissu mon partenaire du moment, je tente du mieux possible de lâcher prise tout en suivant les indications. Exercice qui je l'admets, n'est pas facile pour moi. Et puis arrive la fin où nous sommes invité.es à rendre notre capteur dont le rôle en apparence fort passif a permis de capter des signes physiologiques de mon corps et de les transmettre à un ordinateur. Avec les graphiques obtenus (dont entre autre la chaleur corporelle variable du bout de mon doigt) par deux participants (mon partenaire du moment et moi-même), nous prenons conscience des effets des interactions entre deux personnes, malgré la distance. Nos réactions en phase ou non sont mises en évidence, même si nos interactions étaient guidées et à distance. Il y a là, et je le comprendrai plus tard, un lien fort important avec "Les Jeux du crépuscule" à venir, parce que même si cela ne se voit pas, cela peut se ressentir.

Je pars donc de tout en bas pour me diriger deux étages plus haut dans le Café-Bar dont je débute mon "séjour" avec un plat de chili et un verre de vin. C'est encore assez tranquille autour de moi. Pas trop loin, il y a sur le mur, des créations de Marie-Hélène Bellavance. Installation qui comme le décrit le site de Tangente, est "Inspirée du projet de médiation La maison que j’habite, moi développé depuis 2018 en collaboration avec les résident·e·s et les personnes proches aidantes des CHSLD qui ont été traversées par Mouvement de passage, l’installation visuelle éponyme invite les spectateur·rice·s dans un espace de transition et de dépouillement menant vers la salle de spectacle." En ayant tout mon temps, je suis le fil de cette installation jusqu'à la porte d'entrée de l'Espace Orange, en prenant le temps de lire la diversité des témoignages et des dessins.

Et puis la porte devant s'ouvre et je me dirige vers "mon" siège en première rangée, accueilli chaleureusement par la chorégraphe et instigatrice de ce projet, Ariane Boulet. Je prends place et je découvre sur mon siège une petite feuille sur laquelle il y a un poème (tiré du recueil "Emprunter aux oiseaux" de Ouanessa Younsi qui est aussi médecin psychiatre). Devant moi, à mes pieds des coussins en attente de spectateur·rice·s à venir et un peu plus en avant dans l'espace scénique, les interprètes (Audrey Bergeron, Lucy M. May, Isabelle Poirier, David Rancourt, Georges-Nicolas Tremblay, Julie Tymchuk et Marie Vallée) sont déjà présent.es. Plus le moment de débuter se rapproche, plus ielles s'activent avec des exercices d'échauffement. 

                                      Crédit Sandra Lynn Bélanger fournie par Tangente

Le moment de débuter arrivé, Ariane Boulet nous propose une introduction fort touchante qui, entre autre, nous parle des prémisses de sa création et du travail de "rencontre" qu'elle effectue avec son équipe depuis de nombreuses années dans les CHSLD. Elle l'affirme de façon fort claire, "Mouvement de passage" ce n'est pas de la thérapie, ni non plus un show, mais tout autre chose (des rencontres authentiques entre humains, je serais tenté de penser) comme je le découvrirai un peu plus tard, qui fait grand bien.

Par la suite, donc, dans une scénographie, toute aussi simple que complexe avec des fils électriques avec une ampoule au bout à utiliser et à déplacer sur le sol, des bancs qui deviennent écran ou refuge, les différents interprètes nous proposent des témoignages de leurs rencontres avec des résident.es. Ils nous proposent aussi des témoignages sur eux-mêmes et leur famille. Ils ne sont pas simplement des interprètes en danse, mais de magnifiques communicateurs. Ce qu'ielles nous parlent est vraiment tiré de leur propre vécu, je l'ai validé un peu plus tard de la Café-Bar à ma sortie de la salle auprès d'une des interprètes. Lorsque j'avais pris connaissance de ceux et celles que j'allais voir devant, moi, j'avais spontanément pensé à l'expression, équipe de feu et c'est exactement ce que j'ai découvert. 

Je ne reviendrai pas sur chacun des tableaux, qui m'ont permis d'apprécier comment il est possible de tenter avec ouverture et patience d'établir avec succès des connexions humaines par la présence et les gestes avec des personnes en apparence coupées de tout ou presque. Néanmoins, permettez moi de revenir sur deux d'entre eux. D'abord celui durant lequel Georges-Nicolas Tremblay parle de cette rencontre durant laquelle il dansera avec un résident qui lui confie à la toute fin que c'est la première fois qu'il dansait avec un autre homme. Et aussi, cette femme, incarnée par Julie Tymchuk, qui présente à une autre résidente de façon éclatante et enthousiasme, le menu de chaque jour qui se répète semaine après semaine avec sa  "touche de petits pois verts". Un éclair de bonheur qui a irradié et frappé tous et toutes dans la salle, j'en suis convaincu et qui illustre la diversité des relations par toujours simples et austères. Je m'en voudrais de ne pas mentionner l'accompagnement musical en direct de Marie Vallée qui avec sa voix, ses instruments enrobent le tout de façon tout aussi riche que bienveillante.

                                                  Crédit: David Wong fournie par Tangente

Une fois les applaudissements nourris fort bien mérités, nous sommes invités à poursuivre pour participer à la "Loge de rêvedont le nom m'intriguait. Après nous avoir dit que le poème que j'avais entre les mains, était différent des autres tout autour, je n'ai pas pu résister à en prendre un deuxième qui se lit comme suit:

 "mon estomac/c'est vide dans mon ventre/ je n'ai plus d'organes/ mais le coeur bat/colibri "

Tout en me faisant la promesse de me procurer ce recueil, "Emprunter aux oiseaux".

Et ce qui suit dans cette loge est l'accueil de Florence Vinit qui nous invite d'abord à partager un mot qui émerge en nous suite à ce que nous venons de vivre. Invitation qui provoque un déluge de mot qui parfois même s'entrechoquaient. Ces mots étaient captés au vol par Marie-Hélène Bellavance qui les utilisera pour en fabriquer une de ses créations. 

Dans la deuxième partie de cette loge, nous sommes invité.es à compléter la phrase, Dans mon rêve de demain ... Encore là, comme en terre fertile, les graines semées (nous avions reçu de vraies graines un peu plus tôt), ont produit une belle récolte. De toutes ces bouts de phrases, je vous en propose deux, "parler des vraies choses et de s'y préparer" et une de mes deux phrases, "Dans mon rêve de demain, je ne peux pas me déplacer, mais la danse viens à moi". 

Mais toute bonne chose à une fin et après toutes ces étapes dans cet évènement polyphonique, mes pas me ramènent tout aussi heureux que songeur à la maison. Ces moments m'ont aussi fait réaliser l'importance de mes visites au CHSLD à ma marraine qui est en grande perte d'autonomie cognitive pour garder le contact avec elle, malgré les apparences, parce qu'elle les ressent, j'en suis convaincu encore plus maintenant.
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